Faut-il taxer l'huile de palme ?

Publié le 19/11/2012

Les sénateurs ont décidé, mercredi 14 novembre, de quadrupler la taxe sur l'huile de palme qui entre dans la composition de la célèbre pâte à tartiner, au motif de la nocivité de cette huile pour la santé. Ils auraient mieux fait d'adopter cette "taxe Nutella" pour des considérations écologiques, peut-être plus justifiées. Une telle taxation est-elle de nature à modifier nos comportements alimentaires ou les pratiques des industriels ? On peut en douter.

Il faudrait, comme sur le tabac, qu'elle soit bien plus forte. Et encore... Certains de nos concitoyens, informés des ravages que provoquent le tabac, sont capables de mettre entre 6 et 7 euros par jour dans un paquet de cigarettes. Les "accros" du Nutella ne regarderont pas plus demain qu'aujourd'hui le prix de leur péché mignon (entre 5 et 10 euros le kilo). L'alimentation est un phénomène complexe. Quand on mange, on fait bien plus que se nourrir, nous disent les sociologues de l'alimentation et les psychanalystes.

Par contre, le raisonnement des sénateurs est, lui, d'une simplicité absolue. Ils ont surtout trouvé là un bon filon. Après les boissons sucrées, voici l'huile de palme, et demain les confiseries ou les produits salés et les boissons énergisantes... Taxer les produits alimentaires : voilà de quoi renflouer le budget de l'Etat ! Après tout pourquoi pas. Mais la justification de santé publique ne tient pas. Aucun aliment n'est nocif en lui-même.

L'impact de cette "taxe Nutella", si elle devait être ratifiée par les députés, est loin d'être négligeable. En effet, près d'un produit alimentaire industriel sur deux contient de l'huile de palme, peu chère par rapport à d'autres huiles, et qui rend des services aux industriels... mais aussi aux consommateurs. Selon les produits, elle leur confère de l'onctuosité ou du craquant, et permettent une bonne conservation, mais joue aussi sur leur goût.

Il est possible de remplacer l'huile de palme par des matières grasses qu'il faut hydrogéner pour avoir les mêmes propriétés : la technique, qui produit des acides gras saturés, est très décriée. Et en tout état de cause, cela reste de la matière grasse... Le jeu des substitutions est risqué. On le voit avec le sucre, diabolisé, et que l'on a remplacé par un produit d'origine chimique, l'aspartame, de plus en plus critiqué lui aussi.

"Si nos produits sont dangereux, qu'on les interdise !" a beau jeu de marteler Jean-René Buisson, le patron de l'Association nationale des industries agroalimentaires (Ania). Alors, nos industriels de l'agroalimentaire seraient-ils tout simplement les victimes d'un acharnement budgétaire ? Ce serait trop simple. Ils récoltent tout bonnement le fruit de près de vingt ans d'un marketing nutritionnel aberrant. Dont ils ont, eux aussi, fait leurs choux gras.

Avec l'aide de nutritionnistes plus ou moins bien intentionnés, ils nous ont vanté les vertus des oméga3 et des stérols végétaux bons pour nos coeurs, les mérites du bifidus pour résoudre tous nos problèmes de transit intestinal, ou de l'huile de bourrache pour améliorer notre teint... On en passe et des meilleures ! Des nutriments tous plus beaux les uns que les autres, accréditant l'idée qu'un seul ingrédient pouvait avoir un impact miracle sur notre santé. Tout discours nutritionnel qui s'écarte de la notion de régime alimentaire pour s'intéresser aux bienfaits ou aux méfaits de tel ou tel ingrédient n'est pas crédible. Qu'il sorte de la bouche d'un nutritionniste, d'un industriel de l'agroalimentaire... ou d'un sénateur.

Source Usine Nouvelle