Consommation. Le coup de baguette magique de la « tradition »

Publié le 10/12/2014

En trente ans, les pains de tradition ont permis aux boulangers de se diversifier. Et de faire face à la baisse de la consommation de pain. C'est davantage de travail car il faut faire lever la pâte plus longtemps.

La baguette revient de loin. Après le pain noir de la Seconde Guerre mondiale, les Français ont eu une fringale de pain blanc et abondant.

Les boulangers se sont mis au travail avec de nouvelles machines qui ont pétri des pâtes vite levées, grâce aux additifs.

« La baguette courante avait dérivé, rappelle Hubert Chiron, de l'Inra de Nantes. Des mies blanches et une structure en alvéoles régulières qui tendait vers le pain de mie. C'était critiquable. » Avec de moins en moins de goût. Jusqu'en 1986, le prix du pain n'était pas libre mais réglementé, ce qui ne favorisait pas non plus les innovations.

Retour au pain de 1930

En 1982, le groupement de meuniers Unimie crée la Banette en s'appropriant les préconisations de Raymond Calvel, un grand nom de la boulangerie.

Les pionniers de la baguette de tradition laissent davantage reposer la pâte et pétrissent moins. « Ils retrouvent le standard de pain des années 30. On s'est aperçu qu'en revenant aux fondamentaux, on pouvait améliorer le pain tout en continuant d'utiliser des machines. Cela a été un premier rebond. »

Le second viendra du décret pris en 1993 pour encadrer le pain de tradition. Celui-ci exclut les additifs et la congélation. « C'était révolutionnaire, souligne Hubert Chiron. Jusqu'alors, la législation européenne permettait de rajouter de la poudre de gluten, un peu de malt pour accélérer la fermentation. Ou de l'acide ascorbique E300, qui est de la vitamine C de synthèse. Mais on obtient le même résultat avec une longue durée de fermentation. »

Les boulangers ont accepté cette contrainte de temps. « Notre principal surcoût, c'est la main-d'oeuvre, témoigne Bernard Cozic, boulanger à Rennes. Si le pétrissage se fait à la machine, la plus grande partie du travail est manuelle. Il faut faire fermenter 15 à 20 heures contre 3 ou 4 heures pour une baguette classique. Je suis fermé le dimanche mais je viens travailler pour préparer les pâtes des baguettes du lundi. Si je le faisais le samedi, elles seraient altérées, à la différence des baguettes classiques. »

Dans cette renaissance de la boulangerie, les meuniers ont joué un rôle d'entraînement. Comme ceux de Festival des Pains, à partir de 1989.

« Le déclencheur a été le développement de la grande distribution », retrace Pierre Mermet, le directeur général de Festival des Pains, qui livre partiellement 8 000 des 32 000 boulangeries françaises. « Les meuniers se sont regroupés pour mettre au point de nouvelles farines, des techniques de préfermentation. »

Le pain de tradition, vendu 20 % à 30 % plus cher que le « classique », a permis de compenser partiellement la baisse de la consommation : « Le pain perd du terrain au petit-déjeuner, mais en gagne sur les sandwiches, qui utilisent souvent des baguettes. »

La farine de tradition ne représente cependant que 7 % de l'ensemble de la farine vendue en France. Mais la « tradition » est en pointe dans les grandes agglomérations, comme Paris, Lyon et Marseille où elle représente 50 % des baguettes vendues par les boulangeries artisanales.

Teneur en sel

La profession s'est engagée en avril dernier, vis-à-vis du gouvernement, à réduire, d'ici à la fin de l'année, la teneur en sel de 80 % des baguettes à 18 grammes par kilo de farine et 19 grammes pour les autres. Lors de la dernière enquête, en 2011, la teneur en sel moyenne atteignait 19,4 grammes.



Source : Ouest France