Étiquetage alimentaire : scandale et conflit d'intérêts au sommet

Publié le 11/07/2016

"Le Monde" révèle les conflits d'intérêts qui gangrènent l'étude menée sur l'étiquetage alimentaire. Pourtant, il s'agit d'une question de santé publique.

Trop gras, trop sucré ? Difficile de s'y retrouver, et de connaître la véritable composition des aliments transformés. Dans de nombreux pays, telle la Grande-Bretagne par exemple, un étiquetage clair des aliments a été mis en place : des « feux tricolores » vert, orange et rouge pour alerter sur les excès potentiels de certains produits. Et pourquoi ne pas mettre en place un système analogue en France, comme l'a envisagé Marisol Touraine avec son logo à cinq couleurs ? Après tout, il en va de l'information des consommateurs et d'une question de santé publique pour tenter d'enrayer l'augmentation des maladies cardio-vasculaires, de l'obésité ou du diabète.

Seulement, voilà : les industriels de l'agroalimentaire et la grande distribution ne voient pas les choses de la même manière. Comme le révèle une enquête du Monde , les industriels de l'agroalimentaire et la grande distribution ont scellé une alliance de manière à ce que le système d'étiquetage qui sera appliqué en France leur convienne. Ainsi, l'étude en « conditions réelles d'achat » réalisée par le ministère pour comparer quatre systèmes existants - celui de la grande distribution, celui de l'agroalimentaire, les feux tricolores et le système à cinq couleurs - a été menée par deux comités, au sein desquels les conflits d'intérêts sont nombreux, et « jette le doute sur l'impartialité de l'évaluation », comme l'explique Le Monde.

« Superviser la rigueur des opérations »

Le comité de pilotage est présidé par le directeur général de la santé, Benoît Vallet, et par Christian Babusiaux, président du Fonds français pour l'alimentation et la santé (FFAS), une organisation financée par l'industrie agroalimentaire. Au sein même du comité, quatre des quinze membres représentent la grande distribution et les industriels de l'agroalimentaire, qui doivent ainsi évaluer les systèmes que l'industrie elle-même propose. On n'est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Le second comité, le scientifique, doit « superviser la rigueur des opérations » : trois membres ont démissionné, alors que six des dix membres collaborent avec des industriels (Danone, Nestlé...). Mais, comme le révèle Le Monde, « tous n'ont pas signalé au ministère l'intégralité de leurs collaborations, notamment aux activités du FFAS ». Benoît Vallet, joint par Le Monde, réfute une quelconque situation de conflits d'intérêts.

Les journalistes Stéphane Horel et Pascale Santi enfoncent le clou : l'agence chargée de l'étude, LinkUp, est à la fois donatrice et prestataire du FFAS, membre de deux de ses groupes et bénéficiaire d'un financement de 24 900 euros. Dès lors, comment penser que la santé publique primera les intérêts des industriels ?

Source : LePoint.fr