Le big data se met au sport

Publié le 12/12/2016

Les statistiques sportives valent de l'or, pourvu qu'on sache les déchiffrer. La jeune start-up parisienne SkillCorner s'y emploie.

Le sport n'échappe pas à la révolution numérique. Si, dans ce domaine, l'exploitation des statistiques n'est pas nouvelle, le traitement automatisé et à grande échelle des données chiffrées (le fameux big data) est en passe de bouleverser en profondeur l'entraînement des athlètes, le travail des coachs et même l'activité des bookmakers.

« Cela fait longtemps que les dirigeants de club scrutent des informations statistiques pour recruter des joueurs, composer les équipes, mais aussi établir leurs tactiques de jeu », relève Charles Montmaneix qui a consacré sa thèse de fin d'études au sujet. Qu'il s'agisse du football, du cyclisme ou encore du hippisme, les données sportives sont également épluchées, de longue date, par les parieurs...

Un bouleversement d'ampleur

L'analyse du big data apporte cependant une rupture en la matière en transformant la façon dont les amateurs apprécient le sport. « Les supporteurs modernes cherchent une expérience totalement nouvelle. Ils interagissent en temps réel sur le Web et postent toutes les minutes leurs réactions sur les réseaux sociaux. Ils sont toujours à la recherche de nouvelles statistiques concernant leur équipe ou leur joueur favoris », analyse le consultant Richard Attias. « Cet afflux de données sert aussi énormément les clubs professionnels. (...) Les joueurs peuvent maintenant être suivis avec des capteurs qui trackent tous les éléments de leur performance, comme le rythme cardiaque par exemple. Toutes les données issues de ces capteurs permettent aux managers de mieux comprendre les facteurs qui impactent la performance d'un joueur et de maximiser son potentiel », poursuit-il.

Le phénomène, comme souvent, est né aux États-Unis. C'est en adoptant une approche analytique poussée des actions de ses joueurs que Billy Beane, a amélioré les résultats de son équipe de base-ball, les Oakland Athletics, au début des années 2000. Et c'est très naturellement aux États-Unis qu'ont été créées les premières entreprises dédiées au big data sportif. Tel le géant américain Stat. La France n'est pourtant pas restée à la traîne. À Lyon, par exemple, Thomas Schmider a lui-même développé l'entreprise Sport Universal Process (rebaptisée « Amisco » à partir de 2004, puis Prozone après 2011), une start-up rachetée par Stat en mai 2015.
Pour les clubs et les bookmarkers

Reste que les techniques de collecte de ces données étaient, jusque-là, lourdes et donc coûteuses. Ce qui réservait l'exploitation des datas aux plus grands clubs et à un nombre limité d'entreprises oeuvrant dans le sport. « En clair, il fallait implanter de nombreuses caméras sur le bord du terrain, voire des GPS et des capteurs divers sur le maillot des joueurs », indique Hugo Bordigoni. C'est dans l'espoir de démocratiser l'accès à ces données que cet ancien centralien a mis au point un algorithme, au sortir de son école d'ingénieur, permettant de simplifier tout cela.

« En recourant aux méthodes les plus récentes de deep learning, le logiciel qu'Hugo a concocté permet de lire les images vidéo d'un match provenant de n'importe quelle télévision », expose Charles Montmaneix qui s'est associé avec lui à la sortie de l'Essec pour créer l'entreprise SkillCorner en février 2016. Leur projet a immédiatement séduit les investisseurs.

La start-up s'apprête aujourd'hui à mettre sur le marché un premier outil adapté au traitement de données dans le domaine du football. Grâce à une technologie de reconnaissance faciale, il identifie les joueurs et comptabilise leurs actions en temps réel. Leur programme intéresse à la fois les clubs, les médias sportifs (grands consommateurs de statistiques), mais aussi les sociétés de pari sportif. Les deux hommes ont d'ailleurs été invités à présenter leur invention, mi-novembre, à Malte devant un parterre choisi d'entreprises spécialisées dans le bookmaking sportif. Devant l'intérêt qu'ils ont suscité, ils envisagent une levée de fond pour adapter leur software à d'autres disciplines : le rugby, le basket, le football américain et prochainement le hockey. Mais aussi le e-gaming (ces compétitions en ligne de sports virtuels), en plein boom depuis quelques années.

Source :lepoint.fr