Pour lutter contre l'adblock, la pub en ligne tente de faire le ménage

Publié le 23/01/2017

Intrusive, répétitive, agaçante: la communication digitale a les oreilles qui siffle. Pour ne plus se faire zapper par les internautes, elle doit donc changer: un professionnel nous explique comment.

Les chiffres semblent montrer le contraire, pourtant la pub en ligne est en crise. Crise de confiance, entre des éditeurs qui peinent à gagner leur vie sur les maigres revenus des campagnes, et des annonceurs confrontés à des fraudes et des erreurs de calcul. Mais aussi entre les marques et leurs clients, saoulés de pub jusqu'à plus soif. L'Interactive Advertising Bureau, qui représente l'ensemble des professionnels de la communication digitale (agences, prestataires, et les principaux médias de Google et Facebook à TF1 ou L'Express), a senti le danger. Christophé Dané, son secrétaire général, explique son plan pour redonner des couleurs à la pub digitale.

Quel est le sujet qui préoccupe le plus l'IAB?

C'est certainement la progression des bloqueurs de publicité, parce qu'elle témoigne d'une forme de rejet de la pub. Nous avons mené deux études à ce sujet, en janvier puis en octobre 2016, et la tendance n'est pas bonne: en janvier, 30% des internautes français avaient installé un adblock, en octobre le chiffre était déjà monté à 36%. Plus ennuyeux encore, on constate que l'usage d'AdBlock Plus et compagnie se généralise: les plus jeunes sont les plus équipés, mais c'est sur les populations les plus âgées que le chiffre progresse le plus fortement.



Comment expliquer ce mouvement?

Une des explications à l'adoption des adblocks tient au fait que la publicité consomme de la bande passante. On estime qu'environ 50% du temps de chargement d'une page Web est causée par la lourdeur des publicités.

D'autre part, la course à l'audience et à l'impression publicitaire a atteint son paroxysme avec l'avènement de la publicité programmatique. En achetant non plus un espace identifié sur un site précis, mais une audience via des espaces acquis automatiquement, on a multiplié le nombre de publicité par page, et le nombre de fois où l'internaute va être soumis à la même annonce, via le retargeting. Bref, la communication digitale s'est emballée: il y a trop de formats différents, trop d'emplacements, trop de pression publicitaire. Il faut faire le ménage.

Faire le ménage, mais comment?

En redéfinissant les normes d'une "bonne" publicité digitale. C'est notre travail à l'IAB de mettre en place des standards clairs pour que chacun s'y retrouve. Pour y parvenir, nous avons lancé une vaste consultation auprès de l'ensemble de la profession, pour déterminer les différents standards de la publicité online: il en existait 33, on en aura désormais 12, adaptés à tous les supports actuels (mobiles, ordinateurs, tablettes).

Lesquels vont être amenés à disparaître?

Typiquement, les "pop-up" (fenêtres venant s'ouvrir au-dessus de celle que l'on consulte), les décomptes empêchant de consulter le contenu avant un certain laps de temps, les "expand" (formats recouvrant le contenu) qui occupent plus d'un quart de la surface de l'écran... Du côté des publicités vidéo, le son doit être coupé par défaut, et l'autoplay (son lancement automatique) désactivé dès lors que l'utilisateur n'est pas connecté à un réseau haut-débit.

Quelles autres pistes pour assainir le marché?

Homogénéiser les formats ne sera pas suffisant. C'est pourquoi nous travaillons en parallèle sur un "guide" de bonne conduite des différents acteurs, qui repose notamment sur un ensemble de principes que nous avons intitulé LEAN (Light, Encrypted, Ad choice supported, Non invasive). En bon français, les publicités devraient être légères (une réponse au temps de chargement excessif que j'évoquais plus tôt), sécurisée, consenties et non-intrusives. Ensuite, toute la question sera de faire adopter ses bonnes pratiques par l'ensemble des acteurs du marché. Et de pénaliser ceux qui s'y refuseront. J'ai bon espoir que d'ici un an le mouvement soit bien enclenché.

Source : L'Expansion