La 3e révolution industrielle permettra à l'homme de réaliser tous ses rêves

Publié le 23/02/2017

Dans son essai, l'entrepreneur Grégoire Sentilhes explique comment les technologies modifient l'organisation de la société et notre rapport au travail. Interview.

Le Point.fr : La troisième révolution industrielle que vous analysez en détail dans votre livre Vive la 3e révolution industrielle ! Tous entrepreneurs de nos destins est-elle autant bénéfique à l'homme qu'on le prétend ?

Grégoire Sentilhes : L'avènement des nouvelles technologies de l'information comme les bouleversements technologiques autour des sciences du vivant et des matériaux comme autour de l'énergie provoque l'émergence d'une troisième révolution industrielle, qui se déploie très rapidement depuis 1995 et, à l'échelle de la planète entière, elle fait émerger une nouvelle génération de médias comme d'usages autour d'Internet et de nouvelles sources de production décentralisée de l'énergie qui, combinées, engendrent une nouvelle économie de la connaissance qui transforme la société et donc le travail. Au même titre que le furent en leur temps, lors de la 1re révolution industrielle à partir de 1455, la découverte de l'imprimerie avec Gutemberg puis la construction de la première machine à vapeur, qui fut la première démultiplication mécanique du travail de l'homme, ou, lors de la deuxième révolution industrielle à partir de 1850, avec la découverte de l'électricité, et du pétrole, l'émergence des médias de masse et de l'industrialisation des biens de production et de consommation avec la taylorisation du travail de l'homme...

Même si cette économie de la connaissance interroge et peut faire peur à ses débuts, même si elle crée des distorsions, même si elle fait naître des frustrations et remet en cause des ordres établis, cette nouvelle révolution - en 2020, il y a aura 40 millions d'objets connectés dans le monde - est bénéfique à l'homme, car elle lui permet pour la première fois de réaliser tous ses rêves : avoir un meilleur accès à l'éducation pour tous, faire reculer la pauvreté, allonger l'espérance de vie, découvrir d'autres formes de vie...

Quelle nouvelle organisation, quelles transformations dans le travail, dans les méthodes de management, cette révolution implique-t-elle ?

Elle met fin à la stricte séparation verticale des trois grandes activités industrielles, primaire (agriculture), secondaire (industrie) et tertiaire (services), qui se décomposait en silos verticaux désormais obsolètes. Internet horizontalise le monde et l'économie de la connaissance fait émerger une nouvelle chaîne de valeur ajoutée autour de quatre grandes tendances transversales :

L'économie est de plus en plus drivée par la valeur de nos émotions et la qualité de l'expérience client. Apple, acteur technologique et encore première capitalisation boursière au monde grâce à sa marque, son design, la simplicité de ses interfaces, en est un parfait exemple.
La propriété perd également de son sens au profit de la valeur d'usage. On entre dans une économie de la demande et du partage. On paie à l'usage, d'où l'émergence d'acteurs comme BlaBlaCar, Airbnb, Vélib', Autolib', Spotify.
L'Internet industriel qui intègre dans les produits davantage d'intelligence en amont avec les robots comme en aval avec en particulier l'Internet des objets. L'homme n'est plus le seul à être intelligent, car les produits intelligents font émerger un « homme augmenté », comme le rappelait le philosophe Michel Serres.
Enfin, on entre dans une économie positive : ce qui crée de la valeur, c'est ce qui régénère l'environnement dont nous sommes tous issus. Comme le rappelle Michael Porter, qui l'a conceptualisé, l'alpha de la création de valeur comme l'avenir iront en premier lieu à ceux qui respectent et régénèrent la planète comme les espèces vivantes qui font sa diversité.

Le travail bascule du hiérarchique au collaboratif, les activités industrielles du vertical au transversal, chacun devient plus autonome et plus apte dans l'économie de la connaissance à devenir « chasseur-cueilleur » comme dans le livre Sapiens. Le salariat issu de la deuxième révolution industrielle aura probablement été une parenthèse dans l'histoire économique de l'homme et laisse la place à l'entrepreneuriat comme à l'intrapreneuriat. Les entreprises, les organisations comme les nations les plus innovantes et compétitives sont celles qui font la part la plus grande à la culture entrepreneuriale. Nous sommes tous devenus « entrepreneurs de nos destins ».

Ce nouvel ordre n'est-il pas dangereux pour la démocratie ? Ne laisse-t-il pas sur le chemin des exclus ?

Il crée en effet des frustrations et, en ce sens, il peut être perçu comme une menace, en particulier dans les pays occidentaux où la polarisation de la concurrence fragilise beaucoup les classes moyennes. D'où les répercussions politiques et la montée du populisme que l'on constate dans les grandes démocraties occidentales où les hommes politiques n'ont pas saisi la nature et l'ampleur des mutations technologiques et économiques. Mais robotisation et plein emploi, par exemple, peuvent cohabiter, comme le démontrent l'Allemagne et la Corée du Sud qui sont les deux pays les plus en pointe au monde en matière de robots et où le taux de chômage est de 5 % à peine contre 10 % en France. L'éducation et la formation sont les clés de l'avenir. L'homme va devoir se former, se remettre en cause en permanence, savoir s'adapter et saisir les atouts d'une nouvelle organisation du travail plus entrepreneuriale, collaborative, innovante, et saisir les nouvelles opportunités. On quitte le capitalisme industriel, taylorisé, pour entrer dans un capitalisme d'entrepreneur, un capitalisme à visage humain. De même, les institutions politiques et les organisations adiministratives, qui sont de moins en moins au service des usagers parce que devenues trop lourdes et conçues il y a deux ou trois siècles, vont devoir s'adapter, se réinventer.


En quoi le travail sera-t-il plus attractif ?

Internet fait basculer l'entreprise comme les individus dans une organisation collaborative. Il met l'entrepreneur et la culture entrepreneuriale au coeur de l'économie et de la société, pas seulement d'un point de vue économique, mais aussi d'un point de vue social et culturel. Le salariat n'est pas la panacée. On entre dans un monde où le partage de la connaissance crée de la valeur de manière infinie. C'est l'entreprise étendue prônée par Tom Davis, l'homme augmenté décrit par Michel Serres, le « chasseur-cueilleur » de Sapiens.

Source : LePoint.fr