Ligue des champions : Canal+ et beIN Sports hors jeu !

Publié le 12/05/2017

SFR Sport a réussi à emporter à prix d'or les droits de la plus prestigieuse Coupe d'Europe (ainsi que la Ligue Europa). Un coup dur pour Canal+ et beIN.

La petite musique ne retentira plus sur Canal. Seuls les abonnés de SFR Sports pourront entendre la symphonie de Haendel qui annonce les grandes joutes européennes. En 2018, pour la première fois depuis 1999, Canal+ sera privée de la compétition reine du football pour les clubs : la Ligue des champions. Annoncée par L'Équipe ce matin, confirmée par Altice dans un communiqué à la mi-journée, la perte des droits de la prestigieuse C1 est un coup de tonnerre dans le paysage audiovisuel français. SFR Sport aurait déboursé entre 350 et 370 millions d'euros pour s'offrir l'intégralité et l'exclusivité de la compétition (ainsi que la Ligue Europa contre environ 140 actuellement). beIN Sports, autre diffuseur, reste elle aussi sur la touche et devra faire sans la masse de matches européens qui remplissaient sa grille du mardi au jeudi soir.

Un coup dur pour la chaîne qatarie, mais c'est bien le groupe dirigé par Vincent Bolloré qui va le plus en souffrir. Alors que le dirigeant avait promis une enveloppe importante pour les droits sportifs (un premier signal positif avait été lancé avec l'obtention des droits de la Formule 1 il y a quelques jours), le voilà renvoyé dans les cordes. Cette nouvelle défaite devrait avoir un impact supérieur par rapport à d'autres droits chipés par la concurrence (championnats européens, dont la Premier League, Ligue Europa, Wimbledon, athlétisme, etc.) : la Ligue des champions est en effet un droit « top premium ». « C'est le deuxième droit le plus fort après le championnat domestique (Ligue 1 en France), décrypte Patrick Goddet, président de Connecting Sport et spécialiste des droits TV. Cela représente un portefeuille d'abonnés important (des centaines de milliers, NDLR) et une valeur perçue considérable. »

D'où la somme dépensée par Altice (« On change clairement de division », se réjouit Michel Combes, directeur général, expliquant que SFR devient la « chaîne numéro un dans le football ») qui poursuit sa politique d'achat de droits très haut de gamme, en augmentant sensiblement les prix des deux compétitions (plus du double). Le groupe de Patrick Drahi déploie la même stratégie que BT, autre opérateur, en Angleterre (+30 % d'augmentation sur la LDC).
Trois opérateurs premiums

Canal+ avait connu deux précédentes alertes. La première en 2012 quand beIN Sports avait récupéré la quasi-totalité des rencontres, laissant à Canal+ un seul match (le choix numéro un). Nouvelle secousse en 2015. La chaîne cryptée avait perdu le choix 1 au profit de son puissant rival qatari (Canal+ n'a pu, par exemple, diffuser la demi-finale de l'AS Monaco cette année). En 2018, il ne leur restera rien, ou presque.

Niveau football, Canal+ proposera trois affiches de Ligue 1, une rencontre de Ligue 2, un match de national et la coupe de la Ligue. C'est peu. Cet été, après la perte de la Premier League, du côté de Canal+, on expliquait que le local (comprendre les matches français) fonctionnait mieux en termes d'audience que les matches européens. Nos confrères de L'Équipe expliquent qu'en interne, la chaîne relativise la perte de la Ligue des champions, évoquant seulement 15 rencontres par an. Mais quels matches ! Et surtout, à partir de 2018, des affiches seront diffusées à 19 heures.

Un tremblement de terre pour Canal+, mais un petit séisme également pour beIN Sports, même si son socle de droits semble plus solide. Dans un mail envoyé aux salariés, rendu public par L'Équipe, Yousef Al-Obaidly, patron de la chaîne, dit regretter « vivement cette décision » et assure être « surpris des conditions dans lesquelles ces droits ont été concédés ». »C'est un coup d'arrêt pour beIN Sports dans leur stratégie du meilleur du football, même s'il leur reste les championnats européens. Ils doivent s'habituer à une forme de partage. Ils n'auront plus ce coup de projecteur qu'offrait la Ligue des champions avec de belles audiences (1,6 million de téléspectateurs pour PSG/Barcelone cette année, NDLR). Il faudra inventer quelque chose de neuf pour valoriser leurs chaînes", analyse Patrick Goddet.

Canal+ va devoir apprendre à vivre sans Ligue des champions et avec non plus un (beIN), mais deux concurrents de poids. « Trois opérateurs sur des droits premiums de football, c'est inédit en Europe », signale Patrick Goddet. Les trois pourront-ils coexister (Michel Combes prévient : « Nous sommes en phase d'investissements ») ou cette guerre va-t-elle faire des victimes - Canal+ en étant la première ? « C'est un appel d'offres sur trois ans. Trois ans, cela va vite, tempère le spécialiste. Entre le moment où SFR va exploiter ses droits, le marché peut évoluer et de nouvelles compétitions seront à conquérir et la Ligue des champions reviendra sur la table. » En attendant, pour Canal+ et beIN Sports, le football en semaine, c'est terminé... Jusqu'en 2021.

Source : Le Point