A j-1 de la montée des marches, e-cinema annonce vouloir ubériser les salles de cinéma

Publié le 17/05/2017

Roland Coutas, Bruno Barde et Frédéric Houzelle : ils sont trois venus du cinéma, de la télévision et du monde numérique à vouloir ubériser les salles de cinéma. Partiellement, assurent-ils, puisque leur plateforme ne diffusera que les films non sortis en salles en France. e-cinema.com, leur plateforme, pourrait changer l'expérience du cinéphile et le modèle économique d'un secteur fragile.

C’est ce qu’on appelle avoir le sens du timing. Alors que le festival de Cannes est sur le point d’ouvrir avec deux films produits par Netflix(et qui ne seront pas diffusés en salle) en compétition officielle, trois entrepreneurs annoncent le lancement prochain d’une plateforme de diffusion de films inédits, qui pourrait bien ubériser les salles classiques.

Un trio de fondateurs

Derrière le projet e-cinema.com, se trouvent le fondateur de Travelprice.com, Roland Coutas, Bruno Barde et le producteur de télévision Frédéric Houzelle. Ils auraient d’ores et déjà acquis les droits de films étrangers qui, au lieu de sortir en salles, seraient diffusés sur le site. Ce n’est pas vraiment une nouveauté en soit puisque la plateforme de e-cinéma à la demande de TF1 l’avait déjà proposé il y a deux ans avec "Son of Gun", un film avec Ewan Mc Gregor jamais sorti en salles.

Le caractère disruptif de l’offre est qu’elle systématiserait ce modèle proposant uniquement des films inédits en salle et qui aurait une première diffusion sur le site. Pour cela, le consommateur pourrait soit payer à l’unité pour un prix variant de 4,99 à 5,99 euros, soit souscrire une carte d’abonnement (comme au cinéma) d’un montant de 9,99 par mois. A l’instar de la sortie hebdomadaire en salles le mercredi, la start-up proposera tous les vendredis la mise en ligne d’au moins un nouveau film.

Des producteurs internationaux intéressés

Selon les fondateurs, les producteurs étrangers auraient manifesté leur intérêt. A l’heure actuelle, le circuit de distribution en salles est encombré et pour un film qui ne dispose pas d’investissements publicitaires conséquents, il est difficile de se faire une place. La rotation des films est très rapide, si bien que le bouche à oreille n’a pas le temps de faire effet. Résultat : les productions hésitent à réaliser l’investissement d’une sortie sur le territoire national aux retombées commerciales plus qu’incertaines. D’autant qu’une fois sorti en salle, le film doit obéir à la stricte chronologie des médias, à laquelle la plateforme e-cinema.com échapperait alors. Pour séduire les producteurs étrangers et peut-être français, la plateforme leur assure une présence en ligne d’au moins trois mois.

Reste à savoir comment ceux que Jean-Luc Godard surnommaient avec esprit les "professionnels de la profession" vont réagir. Le système d’exception culturelle à la française repose largement sur l’exploitation des films en salle, où une taxe sert à financer le Centre national de la cinématographie. En caricaturant, la philosophie de ce prélèvement est que les succès des blockbusters internationaux (made in Hollywood le plus souvent) financent les films d'art et d'essai. Sans sortie en salles, le cercle réputé vertueux est contourné.

L'exception culturelle ébranlée ?

L’annonce de la présence de deux films produits par Netflix dans la sélection officielle qui ne seront pas projetés en salles après le festival a fait réagir notamment le Blic (Bureau de liaison des industries cinématographiques). Dans une lettre au président du Festival de Cannes, l'organisme s’inquiète : "Il parait à ce jour étonnant que Netflix retire un bénéfice publicitaire et commercial de la programmation de ces œuvres par le Festival, sans jamais avoir inscrit son action dans le périmètre du dispositif français, pourtant à l’origine de l’existence de la plupart des œuvres programmées à Cannes et de l’écosystème au sein duquel se déroule le Festival". Rendez-vous en septembre, date de lancement prévu de la plateforme au-cinema.com

Source : usine-digitale.fr