Louboutin voit rouge

Publié le 08/06/2018

La marque de chaussures de luxe enchaîne procès sur procès pour protéger le caractère exclusif de sa célèbre semelle rouge.

Si on évoque souvent le goût -amer- de la défaite, on parlera peut être bientôt du rouge comme de la couleur de la victoire. C'est en tout cas l'espoir du créateur Christian Louboutin, alors que la Cour d'appel de Paris vient de reconnaître le caractère exclusif des semelles rouges vifs de ses célèbres et très onéreux escarpins. Depuis 2013, une bataille judiciaire oppose la maison Louboutin -145 boutiques à travers le monde- à la société de maroquinerie Kesslord. Le premier assaut avait été mené par le créateur français, qui avait mis en demeure son concurrent, coupable, à ses yeux, d'avoir lancé une collection de chaussures à semelle rouge.

Ce dernier avait répliqué en assignant Christian Louboutin devant le tribunal de grande instance de Paris, pour demander la nullité de la marque préférée des stars, de Beyoncé, à Mélania Trump, en passant par toute la famille Kardashian, arguant qu'une couleur ne pouvait avoir valeur de marque. Le créateur français a en effet enregistré partout dans le monde la semelle de couleur "Pantone 18.1663 TP", associée aux hauts talons, comme signe distinctif de sa marque.

La menace bruxelloise

La décision de la cour d'appel de Paris est donc une nouvelle victoire pour la griffe de luxe française, après celle remportée en 2012 face à Yves-Saint-Laurent, aux Etats-Unis, qui avait également tenté de commercialiser des escarpins au dessous rouge. Malgré cette décision, l'inquiétude reste de mise, car un vent mauvais venu de Bruxelles s'est levé en début d'année. La marque française est en effet en procès depuis 2012 avec une autre chaîne de chaussures, néerlandaise cette fois, Van Haren, qui pour surfer sur le raz de marée Louboutin avait voulu copier la recette gagnante.

Dépassé, le tribunal de la Haye aux Pays Bas a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de statuer. En février dernier, l'avocat général du CJUE a finalement estimé que le chausseur français Christian n'avait pas l'exclusivité sur ses fameuses semelles rouges car une marque combinant la couleur et la forme peut être interdite par la législation de l'UE sur les marques.
Un dossier à rebondissements

La griffe de luxe pourrait-elle perdre ce qui a fait son succès ? "Au contraire, cet avis ne fait que confirmer la validité de notre marque, puisque la forme de la semelle sur laquelle est appliquée le fameux rouge Christian Louboutin n'a aucune valeur intrinsèque, ce qui fait la valeur de notre signature depuis 26 ans, c'est sa créativité et le travail marketing", a expliqué à L'Express une porte-parole de la marque. En clair, le créateur est prêt à laisser ses concurrents s'inspirer tout leur saoul de la forme de ses escarpins, pourvu qu'on lui laisse la propriété de ses semelles carmins, symbole planétaire de bon goût et surtout de portefeuille bien garni (prix de départ 500 euros la paire). La Cour de justice de l'Union européenne devrait rendre sa décision d'ici juillet. Mais l'affaire sera loin d'être terminée. Le dossier repartira ensuite aux Pays-Bas, où il devrait s'écouler au minimum un an avant qu'un jugement ne tombe. Sachant que les deux entreprises pourront toujours faire appel de la décision. D'ici là, les fashionistas de la planète vont continuer à casser leur tirelire pour s'acheter les célèbres escarpins.

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