"Pourquoi moi, agriculteur, j'ai accepté d'aider Carrefour à changer de modèle"

Publié le 05/09/2018

François Mandin, agriculteur en Vendée de 54 ans, rejoint le comité d’orientation alimentaire de Carrefour, chargé d'aider le groupe à devenir le "leader de la transition alimentaire". Une personnalité atypique qui compte bien faire passer des messages forts au distributeur.

Sous la houlette d'Alexandre Bompard, son PDG, Carrefour est engagé dans un vaste plan de transformation. Le distributeur ambitionne notamment de devenir le leader de ce qu'il appelle “la transition alimentaire”. Pour l'aider dans cette démarche, Alexandre Bompard a voulu créer un “comité d'orientation alimentaire” rassemblant des personnalités extérieures et engagées. Révélé le 2 septembre, il se compose de sept membres dont les profils sont hétéroclites : Emmanuel Faber, le PDG de Danone, Lucie Basch, fondatrice de l'application anti-gaspillage Too good to go, Myriam Bouré, fondatrice de la plateforme pour les circuits courts Open Food, Jean Imbert, le médiatique chef cuisinier, Caroline Robert, cancérologue et cheffe de service à l'hôpital Gustave Roussy, Maxime de Rostolan, fondateur du réseau Fermes d'avenir et de la plateforme de financement participatif dédiée à l'agroécologie Blue Bees et François Mandin, agriculteur en Vendée. Réunis deux fois par an, ils formuleront des propositions à Alexandre Bompard et Laurent Vallée, secrétaire général et responsable de la transition alimentaire du groupe. La première réunion est prévue en octobre. D'ici là, François Mandin, 54 ans, qui possède une exploitation de grandes cultures à Luçon, près du marais poitevin, explique à Challenges pourquoi il a décidé d'aider Carrefour à se transformer.

Vous êtes un homme engagé pour la reconnaissance d'une agriculture dite de conservation des sols. Comment Carrefour vous a approché pour rejoindre son comité ?

Je suis vice-président de l’Association pour une agriculture durable. J’ai été l’un des premiers agriculteurs à développer une agriculture de conservation des sols, qui repose sur trois principes : la couverture végétale permanente du sol, des semis sans travail du sol et une diversité des cultures. Dans ce cadre, j’ai l’occasion de participer à des manifestations, des salons et de rencontrer des politiques. Nous avons commencé il y a quelques années à réfléchir avec Carrefour sur la reconnaissance de notre travail. L’un d’eux est venu l’an dernier à notre assemblée générale et ils m’ont proposé de participer à leur comité. J’ai été un peu surpris car je ne représente pas une institution mais Carrefour voulait des personnalités atypiques.


Pourquoi avoir accepté ?

J’ai l’impression que nous ne faisons pas partie du même monde mais après plusieurs discussions j’ai décidé d’accepter car j’ai l’impression que l’on parle toujours au nom des agriculteurs. Sur ce sujet, je suis assez critique des organisations syndicales agricoles. Ils disent qu’ils travaillent pour nous mais en réalité, ceux qui trinquent, ce sont toujours les agriculteurs. Cette fois-ci, on me donne la parole. Cependant, la stratégie de Carrefour ne m’intéresse à aucun moment. Je leur ai dit. Je ne m’en cache pas. Ce que je veux, c’est porter ma parole, défendre l’agriculture de conservation des sols et aider à sa reconnaissance.

Qu’espérez-vous de Carrefour ?

Je n’attends pas de changement de leur part mais, en même temps, si je dois servir de faire-valoir, ça ne va pas marcher fort. Pour le moment, j’ai un a priori plutôt positif. Ils me paraissent être de bonne volonté. Je suis un grand optimiste de toute façon, peut-être un peu naïf. Je crois aux petits pas qui font avancer, tout doucement. C’en est un.


Que pensez-vous de la composition du comité ?

La première réunion en octobre sera une réunion de découvertes. J’ai accepté de participer au comité sans connaître sa composition. Maintenant, je vais peut-être me sentir un peu en décalage, notamment sur ma capacité d’analyse. J’ai un peu de crainte mais c’est aussi une joie. Je n’ai pas peur des rencontres, ni des échecs.

Quelles vont être vos propositions ?

Je veux montrer la réalité du terrain, expliquer quels sont les impacts de telle ou telle mesure comme l’arrêt du glyphosate. En ce qui me concerne, j’utilise tous les outils mis à ma disposition en essayant d’y avoir recours le moins possible, et sans toucher aux sols. J’aimerais que Carrefour comprenne en quoi c’est une agriculture qui porte un engagement humain et environnemental fort.

Etes-vous rémunéré ?

Non. Carrefour me rembourse les frais de déplacement et de remplacement à la ferme lors des réunions.


Source : https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/cet-agriculteur-de-vendee-qui-a-accepte-d-aider-carrefour-a-realiser-sa-transition-alimentaire_610493.amp