BNP, Société Générale, Crédit Agricole... Vers la disparition des grandes marques bancaires ?

Publié le 18/12/2018

La question mérite d’être sérieusement envisagée. Même si elle ne manquera sans doute pas d’étonner.

Depuis vingt ans, en effet, tous les discours marketing mettent les marques en avant. Comme si, à elle seule, la marque portait la valeur des offres, l’attachement des clients, la symbolique de l’entreprise, l’imaginaire du public et le sentiment d’appartenance des personnels. Au point que tout acte de vente devrait, à suivre les recommandations marketing, être pensé comme une expérience avec la marque. Depuis deux décennies, cette formule ne cesse d’être ressassée.

Ces dernières années, cependant, les banques n’ont pas hésité à lancer des offres sous de nouveaux noms. Savez-vous ainsi qui est derrière Hello Bank et Nickel ? Eko et Mozaïc ? Max ou Avantoo ? Depuis quelques années, les grandes marques bancaires s’effacent volontiers et, sans disparaître, se réduisent à des initiales ou à un logo associés à une nouvelle enseigne. Un peu à l’image du fameux « Intel inside », elles n’apparaissent plus qu’en support.

C’est qu’en France, il y a un paradoxe des marques bancaires. Certaines comptant parmi les plus anciennes toujours actives dans notre pays, elles sont très connues du public, qui reconnait également immédiatement leur signalétique. Pourtant, le même public confond largement leurs offres et différencie finalement peu les banques. Seuls quelques établissements, comme le Crédit Coopératif, ont véritablement une enseigne identitaire. Dans un pays où la bancarisation de la population est quasi-totale et où les agences bancaires sont omniprésentes dans le paysage urbain, les établissements financiers sont complètement banalisés. De sorte que, bien plus qu’aux marques, le public est surtout individuellement attaché aux personnels des banques avec qui il est en contact.

Dans un tel contexte, pour attirer l’attention sur des offres nouvelles, les banques ont compris qu’elles ne devaient pas hésiter à apparaître sous d’autres appellations, d’autres couleurs. Elles ont senti que, pour trouver un nouvel espace de liberté, il était bon qu’elles se fassent un peu – pas totalement – oublier. Certes, cela est particulièrement apparu après la crise de 2008, alors que l’image des banques en général était particulièrement dégradée. Mais aujourd’hui, chez certains établissements, cette attitude est en train de devenir une véritable stratégie. Et le phénomène est international.
L'exemple étranger

C’est, au Royaume-Uni, la néobanque Atom qui est ainsi allée au plus loin en ce sens. Elle permet à ses clients de customiser son logo et de rebaptiser sa marque du nom de leur choix ! En fait, la marque « Atom » ne disparaît pas complètement mais, symboliquement, la néobanque qui n’existe qu’à travers une appli mobile favorisant une utilisation très fréquente, permet à ses utilisateurs d’effacer sa marque pour mieux les inviter à personnaliser et à s’approprier sa solution. Consciente que c’est sur cette appropriation que repose finalement tout son succès possible.

A Singapour, DBS, une grande banque « classique », ne réfléchit plus désormais autrement. Elle a opté pour une stratégie « d’invisibilité » et a choisi pour slogan : « Live more, Bank less ». C’est que DBS veut élargir considérablement ses services. En architecture ouverte. Elle multiplie les partenariats et, à travers une multitude d’API, s’introduit par exemple sur des sites de recherche immobilière auxquels elle permet de cibler leurs offres en tenant compte des capacités d’emprunt réelles des visiteurs, dès lors qu’ils sont clients de DBS. Il ne s’agit donc pas pour la marque de disparaître mais de se faire discrète, pour mieux élargir son périmètre d’intervention et ses opportunités d’interaction avec ses clients. Pour employer une terminologie militaire, il ne s’agit pas d’une stratégie de conquête, pour planter son drapeau partout, mais plutôt d’une stratégie d’infiltration, pour effacer les frontières. Et cela s’accompagne d’autres relations d’image avec les clients. La bannière s’efface mais DBS fait composer des musiques qui lui sont propres et que l’on peut télécharger sur son site.

Les marques bancaires, ainsi, ne vont pas disparaître. Mais, dans un monde digital, interconnecté en permanence, le marketing d’emblème parait dépassé. Avec pour trait commun un marque ombrelle discrète, les enseignes deviennent souples, multiples et modulaires. Personnalisables. Les établissements financiers le réalisent aujourd’hui. Il peut arriver que les banques soient pionnières.

Source : BFM Business