Salon de l'Agriculture : Christiane Lambert, « Madame 100 000 volts » à la tête de la FNSEA

Publié le 25/02/2019

À la tête du principal syndicat agricole, la FNSEA, il y a une agricultrice engagée, Christiane Lambert. Nous l’avons rencontrée à Paris alors que le Salon de l'Agriculture va commencer ce samedi. Portrait.

Armée d’un carnet et d’un stylo, Christiane Lambert, 57 ans, griffonne des graphiques : « J’ai un vrai besoin d’expliquer simplement les choses », lance la patronne de la FNSEA. La tâche est grande tant le secteur agricole semble être de moins en moins connu des Français : « Le métier a énormément évolué avec parfois des incompréhensions, qui suscitent des crispations », explique-t-elle.

Pourtant, l’agriculture pèse lourd dans l’économie du pays : « L’export céréales, c’est 4,4 milliards d’euros par an, cela équivaut à 52 Airbus A320, assure Christiane Lambert. C’est 14% des emplois en France, de près ou de loin, du collecteur de lait jusqu’au notaire, précise l’agricultrice, qui regrette qu’avec « toute cette richesse-là, quand on entend parler d’agriculture, ce soit anxiogène la plupart du temps ».

Christiane Lambert nous reçoit dans son bureau du huitième arrondissement de Paris, où elle passe une grande partie de sa semaine. Le reste du temps, elle le partage entre son exploitation familiale, dans le Maine-et-Loire et d’autres engagements locaux. « La profession, note t-elle, porte peut-être une part de responsabilité de ne pas avoir assez expliqué, au fur et à mesure, son évolution. L’agriculture s’est modernisée et dans le subconscient de beaucoup, c’était mieux avant. Ce n’est pas vrai, mais il n’y a que ceux qui l’ont vécu qui le savent. Agricultrice, je voulais l’être, mais pas comme ma mère, qui s’est épuisée au travail ».
« Très attachée à l’esprit d’entreprise »

Christiane Lambert est née l’année où le mot « agricultrice » est apparu dans le dictionnaire Larousse, en 1961. Elle a grandi dans le Cantal, avec des parents éleveurs de porcs, engagés à la Jeunesse Agricole Chrétienne. À huit ans, elle savait qu’elle suivrait leurs pas. Elle s’est syndiquée rapidement et s’est installée à son compte à 19 ans, en louant des terres voisines des leurs, malgré les découragements de son banquier, pour qui « une jeune fille qui s’installe à 19 ans, célibataire » n’était pas « un élément stable et sécurisant ».

Elle y est resté plusieurs années, avant de reprendre avec son mari l’exploitation de ses beaux-parents, dans le Maine-et-Loire. Ils l’ont « développée, modernisée, mis aux normes » et emploient aujourd’hui deux salariés. « Je suis très attachée à l’esprit d’entreprise, d’initiative et à la prise de responsabilité », résume la patronne de la FNSEA, qui tient à « la valeur travail », héritée de ses parents. « Ils étaient persuadés qu’en travaillant beaucoup, ils allaient améliorer leur situation, ce qui s’est passé », explique Christiane Lambert, qui éprouve un profond besoin de se « sentir utile ». De fait, explique t-elle, on accepte davantage de se sacrifier et de faire des efforts quand on se sent utile.

Toutes ces années d’engagements professionnels, syndicaux et la naissance de trois enfants, n’ont pas toujours été simples à gérer. Rassurée par la façon dont ils ont évolué, elle a tiré de cette période une exigence de résultat : « Quand on va bosser, on n’accepte pas l’inefficacité », assure t-elle. Christiane Lambert explique n’avoir « jamais senti de stigmatisation ou de mise à l’écart » parce qu’elle était une femme agricultrice avec des responsabilités. Mais elle est bien consciente du chemin qui a été parcouru ces dernières années. Cela fait par exemple seulement vingt ans qu’une femme peut avoir le statut de chef d’exploitation et dix ans qu’une femme mariée peut diriger la ferme sans l’autorisation de son époux. La discrimination positive est inscrite dans les statuts de la FNSEA, ce qui fait, souligne Christiane Lambert, « qu’il y a plus de femmes dans cette organisation qu’en politique ».

Surnommée « Madame 100 000 volts », la patronne de la FNSEA est une battante. De toutes façons, assène-t-elle, « il faut du caractère et de la volonté pour durer dans le temps ». Handballeuse pendant plusieurs années, elle lit L’Equipe et refait les matchs avec ses enfants. Elle assure que la religion est pour elle « un ressort et une ressource important ». Opérée à cœur ouvert en 2010, elle en a tiré une certaine philosophie de la vie et « ne fait pas de pari sur la longueur ». Son mandat à la tête de la FNSEA se termine en 2020. Elle a été sollicitée plusieurs fois pour faire de la politique, mais refuse catégoriquement.

« Ma passion, dit-elle, c’est l’agriculture et toutes ses composantes », les questions d’emploi, de santé, d’environnement, l’aménagement des territoires… « On fait quand même des super trucs », martèle Christiane Lambert, qui cite par exemple les bons résultats d’Adema (Accès des demandeurs d’emploi aux dispositifs agricoles): « On a 75% de succès avec les jeunes qui sont en rupture », souligne la patronne de la FNSEA. « J’aime les choses concrètes et le dire avec des chiffres ». Le secteur agricole recrute, avec 70 000 postes non-pourvus en agriculture et en agroalimentaire. Elle sourit: « Il faut peut-être un peu plus que de traverser la rue, mais il faut effectivement que les jeunes regardent où il faut pour trouver du travail ». Elle évoque les sujets positifs, ces jeunes qui s’installent avec de nouvelles pratiques vertueuses, qu’elles soient bio ou pas, et « toutes ces jeunes start-ups qui innovent énormément autour du secteur agricole ».

Plutôt cash, Christiane Lambert « refuse d’être la bonne conscience à pas cher ». Elle raconte avoir décliné ces derniers mois des invitations de responsables politiques qui lui demandaient de les accompagner dans des exploitations. Tout à sa tâche, déterminée, elle avance, méthodique: « un problème = un dossier = on cherche des solutions ».

Source : BFM Business