Va-t-on vers la fin de la grande distribution ?

Publié le 02/05/2019

Douche froide chez Auchan. Le groupe a annoncé qu'il allait vendre 21 magasins qui ne sont pas rentables. Plus de 700 emplois sont menacés. Carrefour et Casino ont fait le même type d'annonces il y a quelques mois. Le modèle de l'hypermarché tel qu'on le connait depuis 60 ans est mort-il ?

Le modèle d'un certain type de grandes surfaces est sans doute en train de mourir. Le nombre de supermarchés de moins de 2.500 mètres carrés, en proximité de centre-ville mais sans galerie marchande a baissé ces dernières années. Il y en avait pratiquement 6.000 en 2017. On en a perdu 216 l'an dernier. Le chiffre d'affaires de ces magasins-là a, lui aussi, baissé de 0,2% l'an dernier.

Le premier responsable de ça, c'est la course effrénée aux prix bas. Il y a quelques années, alors qu'il dirigeait encore Système U, Serge Papin avait annoncé qu'à force de se faire la guerre entre enseignes pour tirer les prix vers le bas, on finirait par avoir un mort. C'est ce qu'on est en train de vivre.

Car ce que vous ne voyez pas forcément parce qu'il y a encore beaucoup d'enseignes différentes dans le paysage, c'est qu'en coulisses, tous ces géants ont mis en commun leurs centrales d'achat.
Internet, bio... de nouvelles habitudes de consommation

En réalité, il n'y a en France que 4 acheteurs de la grande distribution pour des milliers de fournisseurs. Quand vous refusez les baisses de prix demandées par Leclerc, Intermarché, Auchan ou Carrefour, vous perdez un quart de votre chiffre d'affaire. Ça pousse les marques à se plier au diktat des grandes enseignes. Et c'est comme ça depuis des années.

Ce que les géants de la grande-distribution n'ont pas vu venir pendant qu'ils se faisaient la guerre pour être les moins chers, c'est que les consommateurs ont changé leurs habitudes. Il y a désormais la concurrence du e-commerce. Quand un hypermarché propose 100.000 références en rayon, Amazon en propose 300 millions !

Donc, la promesse des grandes surfaces qui consistait à dire : "venez chez nous, vous trouverez tout ce dont vous avez besoin" est totalement dépassée. Le e-commerce s'est déjà imposé pour tous les achats non alimentaires. Et ça ne va pas changer car les 20-30 ans dépensent déjà un cinquième de leur budget consommation via internet et leurs smartphones.

"Ce n'est pas un hasard si les grandes marques commencent à créer leurs propres enseignes de bio"

Mais vous avez aussi des consommateurs qui sont devenus des "consomm'acteurs" qui cherchent à donner du sens à leurs achats, à diversifier leurs fournisseurs, qui veulent manger bio et local. Ce virage n'a pas été pris par la grande distribution, ou alors trop tard.

Le marché du bio, par exemple, double tous les 5 ans. C'est encore marginal en volume mais quand vous êtes une grande surface qui a basé toute sa stratégie depuis 50 ans sur le volume pour dégager des bénéfices, vous perdez gros quand le client commence à papillonner ailleurs. Ce n'est pas un hasard si les grandes marques comme Leclerc, Casino ou Carrefour commencent à créer leurs propres enseignes de bio ou rachètent des acteurs de ce marché-là.
Vers un retour des petits commerces en circuit court ?

Oui, c'est encore 50% du marché de la consommation qui se passe dans les grandes surfaces aujourd'hui. Mais on assiste vraiment à un changement majeur des aspirations des consommateurs depuis quelques années. Et ça va très vite. C'est un retour au local et au circuit court. Et ça, c'est plutôt rassurant. Y compris pour les géants de la grande-distribution qui ont les moyens financiers de recadrer leurs stratégies et de revenir à des surfaces plus petites, en centre-ville avec des vrais artisans et des produits de qualité. C'est une demande des consommateurs qui est même rentable économiquement.

Selon l'Insee, les marges globales des hypermarchés tournent autour de 1,3%. Parce que tout repose sur les volumes. Ça semble très peu et c'est assez paradoxal quand on sait que les grandes surfaces réalisent d'énormes marges sur le dos des producteurs agricoles, on en a souvent parlé. Ça veut dire que les grandes surfaces doivent évoluer car la moindre baisse de volume est maintenant fatale. Ça veut dire aussi que ça peut redonner une chance au commerce de centre-ville et donc à l'emploi de proximité.

Mardi 30 avril, le syndicat patronal des artisans et commerçants, l'U2P, ne cachait pas sa colère de voir les grandes surfaces licencier après avoir dévitalisé les centre-villes pendant des décennies. Mais l'U2P rappelait aussi qu'à chiffre d'affaires égal, une boutique de centre-ville crée trois fois plus d'emplois qu'une grande surface. Si l'affaiblissement des supermarchés de périphérie peut renforcer les supérettes et les métiers de bouches des villes en créant des emplois locaux, ce sera une évolution plutôt vertueuse.

Source : RTL