Quand les pionniers de la banque en ligne sont à leur tour ringardisés

Publié le 22/10/2019

Stars des années 2000, Boursorama, ING et ses concurrents sont ringardisés par l'arrivée des « néobanques » comme Revolut ou N26, plébiscitées par les jeunes. Elles tentent de reprendre la main en multipliant les offres, mais davantage pour retenir des clients que pour en conquérir de nouveaux.

La publicité est immédiatement devenue virale. Il faut dire que Boursorama avait mis les moyens. Pour sa dernière campagne, la banque en ligne s'est offert les services de la superstar Brad Pitt. Dans le spot, on voit l'acteur hollywoodien déambuler dans les rues de New York, faire ses achats, retirer de l'argent au distributeur ou encore consulter son application bancaire.

En misant sur l'un des acteurs les plus « bankable » du moment, la filiale de Société Générale espère une chose : gagner en visibilité et surtout retrouver son image de pionnière.

Après avoir prospéré sur le thème de la disruption face aux banques traditionnelles, les banques en ligne, dont la plupart appartiennent aujourd'hui à des grands groupes, sont à leur tour menacées de disruption. Revolut, Orange Bank et N26, qui séduisent de nouveaux clients avec des cartes gratuites et des frais limités, leur prennent des parts de marché. Coincés entre les banques traditionnelles et ces nouveaux entrants, les acteurs comme Boursorama, ING, Fortuneo (filiale d'Arkéa) ou Hello Bank (filiale de BNP Paribas) veulent montrer qu'ils ont encore leur place. Et peuvent séduire une palette plus jeune et plus large de clients que les actifs urbains âgés de 30 à 45 ans, qui constituent leur fond de commerce.

La peur du « dégagisme »

Pour éviter de se faire dépasser, les banques en ligne multiplient les initiatives commerciales. Le néerlandais ING a lancé la semaine dernière une offre de compte courant associée à une carte Mastercard gratuite. Sans découvert autorisé et sans frais de compte, elle est plutôt destinée aux jeunes, et complète l'offre existante, plus haut de gamme.

Quelques jours plus tôt, c'était Fortuneo qui sonnait la charge avec le lancement de Fosfo, une offre sans frais de tenue de compte, sans condition de revenus, et avec une carte sans frais sur les paiements à l'étranger. Les deux marques imitent ainsi Boursorama et sa carte Ultim, qui a déjà conquis plus de 125.000 clients depuis son lancement fin juin.

Devenir rentables

Obligées de réagir face à l'offensive des « néo », les banques en ligne sont aussi contraintes de faire évoluer leur modèle pour gagner en rentabilité. A quelques rares exceptions près (dont Fortuneo), la majorité des acteurs ne gagnent pas d'argent, comme le rappelait fin 2018 l'ACPR dans un rapport . Malgré les récentes initiatives commerciales, l'heure n'est plus à la seule conquête, mais à la conversion de la clientèle existante en clients plus engagés, donc plus rentables.

C'est la stratégie adoptée par ING, qui compte environ un million de clients en France, dont un quart en « relation principale ». « La transformation de notre portefeuille de clients doit permettre de pérenniser notre modèle, notamment dans un environnement de taux bas », indique Frédéric Niel, directeur de la banque de détail d'ING en France. L'objectif : réduire la dépendance aux revenus liés aux dépôts, qui sont passés de 70 % en 2016 à 40 % du chiffre d'affaires total en 2019.

Le groupe vient d'élargir sa gamme de fonds d'assurance-vie, avec des thématiques comme l'immobilier ou la tech. Typiquement, le genre d'offres que proposent les banques traditionnelles. Et qui pourraient inciter des clients existants à faire d'ING leur établissement principal.
Un défi d'avenir

Même son de cloche du côté de Boursorama, qui vient de franchir le cap des 2 millions de clients, et vise les 3 millions pour 2021. « Le rythme de conquête reste soutenu et en plus de l'acquisition nous avons un objectif d'intensification de la relation client », explique Aurore Gaspar, directrice générale adjointe. La banque mise notamment sur le développement de sa gamme de produits financiers (assurance-vie, crédit immobilier...).

Mais la transformation ne sera pas si simple. « Les banques en ligne doivent réussir à passer du tout gratuit à des offres payantes, c'est un vrai défi », explique Julien Maldonato, associé conseil Innovation chez Deloitte. D'autant que les banques traditionnelles ont elles-même engagé leur transformation en numérisant toujours plus leurs services et en offrant plus de flexibilité. Posant la question de la coexistence des deux modèles au sein des grands groupes bancaires.

Source : Les Echos