Droits du foot : Canal+ tente une remontada

Publié le 11/12/2019

DÉCRYPTAGE. Autrefois distancée, la chaîne cryptée a racheté des droits de L1 à BeIn Sports, dont elle devient distributeur exclusif. Que va faire Mediapro ?

Quelques jours après s'être offert la Ligue des champions, c'est un nouveau joli coup que vient de réaliser Canal+ dans les droits du football. Un marché qui se monnaie toujours plus cher. La chaîne privée a signé avec BeIn un accord qui lui permettra de diffuser deux matchs de Ligue 1 par journée de championnat entre 2020 et 2024, soit 76 matchs sur 380 dont, assure-t-elle, 28 des 38 meilleures affiches de la saison. Dans les faits, le consortium sino-espagnol Mediapro conserve néanmoins les dix plus beaux spectacles du ballon rond, comme les duels du PSG contre l'OM ou l'OL. La Ligue de football professionnel, qui a paru s'inquiéter du coup d'éclat de Canal+, précise que sur ces 76 rencontres,19 seront codiffusées par Mediapro.

La filiale de Vivendi marque des points sur plusieurs tableaux. Elle évite tout d'abord une énorme fuite de ses abonnés qui suivent avec ferveur sur Canal le championnat français de football depuis des années, plus de trente ans pour certains. Certes, l'offre sera bien moins alléchante qu'aujourd'hui, car elle diffuse aujourd'hui les 10 meilleures affiches de la saison de Ligue 1, qui sont tombées dans l'escarcelle de Mediapro pour la saison prochaine. Mais la chaîne complète son offre de football, qui risquait il y a encore quelques mois de disparaître, en combinant à partir de 2021 ces matchs de Ligue 1 avec les droits pour la Ligue des champions récemment obtenus.
Une lourde facture

Canal+ a raflé le meilleur match des journées de mardi et mercredi, pour la période 2021-2024. En outre, après s'être fait souffler le foot anglais par RMC Sport, la chaîne de Vivendi est revenue dans la course en déboursant 115 millions d'euros pour la Premier League, le championnat anglais. « La croissance du portefeuille d'abonnés de Canal+ en France reste un sujet », a reconnu avec Le Figaro Maxime Saada, qui mise sur la Ligue 1 et la Ligue des champions pour remonter la pente. D'un point de vue stratégique, face aux plateformes comme Netflix et Amazon Prime Video, avant les arrivées de Disney+, HBO Max et les autres, la société de Vivendi est obligée de proposer des contenus sport très attractifs en plus des séries et des longs-métrages. Or, quand elle avait perdu le football anglais, une partie de la Ligue 1 et la Ligue des champions, Canal+ faisait pâle figure avec la Formule 1 et le rugby français (Top 14).

Le foot doit l'aider à se démarquer. Mais cela coûte cher. Canal+ a dû accepter un lourd investissement financier de plus de 600 millions d'euros ces derniers jours : environ 330 millions pour la sous-licence achetée à BeIn et 300 millions (estimés) pour la Champions League. Si l'on ajoute les 115 millions de la Premier League, le chèque dépasse les 700 millions. À titre de comparaison, la chaîne dépense aujourd'hui 550 millions d'euros pour la seule Ligue 1.

« Je vous garantis qu'on diffusera de la Ligue 1 post-2020 », clamait Maxime Saada, président de la chaîne privée, après l'attribution à Mediapro des droits de la Ligue 1 pour 780 millions d'euros, et un total de plus d'un milliard d'euros. Cela suffira-t-il pour rivaliser avec l'hispano-chinois ? Le consortium mené par Jaume Roures est la grande inconnue du marché, alors qu'il possède notamment les 10 meilleures affiches de la saison de Ligue 1.
L'inconnue Mediapro

Car depuis qu'il a arraché les droits de Ligue 1 en mai 2018 au terme d'un appel d'offres lancé par le président de la Ligue professionnelle de football Didier Quillot, Mediapro n'a pas fait grand-chose pour monter une chaîne sportive opérationnelle à l'été 2020. Il a tout juste nommé en août dernier un directeur général, Julien Bergeaud, passé vingt ans à Eurosport. On se rappelle la rapidité avec laquelle Charles Biétry avait monté BeIn Sports..., mais il ne reste désormais que six mois !

Mediapro ne semble-t-il pas plutôt privilégier son statut d'agent revendeur de droits ? Sur le papier, le groupe n'est plus autant en position de force dans les négociations qu'il y a un an et demi. BeIn pourrait être intéressé pour ne pas voir son offre se dégarnir après cette sous-licence de droits à Canal+. Et quid de RMC Sport, aujourd'hui sur le banc de touche ?
Vers une fusion Canal-BeIn Sports ?

Une chose est sûre. Sous la houlette de Vincent Bolloré, le modèle économique de Canal+ a désormais changé. Le groupe reste éditeur, mais est également un distributeur incontournable qui commercialise ses concurrents comme Netflix ou RMC Sport. Concernant BeIn Sports, Canal a d'ailleurs annoncé lundi soir qu'il allait distribuer en exclusivité la chaîne qatarie. Faut-il voir dans ce mouvement stratégique de Canal+ le premier pas vers une fusion avec BeIn Sports, qui se montre désormais moins gourmand en droits sportifs ?

Certains observateurs le pensent et citent le projet de fusion CanalSat-TPS il y a quelques années. Le patron de Canal+ écarte pour l'instant un tel scénario : « Pendant plus d'un an, nous avons discuté de tous les scénarios possibles avec BeIn. Et nous avons conclu ensemble que cet accord commercial était la meilleure façon d'avancer pour nos deux groupes », assure Maxime Saada dans Le Figaro.

Source : LePoint