La nostalgie a encore frappé, et ce coup-là va faire mal. Ou plutôt beaucoup de bien : Genesis remet le couvert pour une série de concerts ! Le trio pop-rock mythique formé par le chanteur-batteur Phil Collins, le guitariste Mike Rutherford et le claviériste Tony Banks, tous trois âgés de 69 ans, ont confirmé hier, dans l'émission The Breakfast Show de Zoe Ball sur BBC 2, qu'ils se réuniraient pour une série de concerts à l'automne prochain. Intitulée The Last Domino Tour, cette tournée de dix dates traversera les stades (et rien que les stades) de Grande-Bretagne ainsi que d'Irlande, en novembre et décembre – aucune étape en France ne semble pour le moment envisagée. Les papys toujours très amis n'avaient plus joué ensemble depuis 2007, à l'occasion de leurs 40 ans de carrière. Mais ni leur âge, ni les douleurs vertébrales aiguës de Collins, ni sa perte d'audition à l'oreille gauche, ni ses épreuves personnelles (une dépression et un alcoolisme qu'il avait confiés en 2016 dans son autobiographie Not Dead Yet) n'ont eu raison de leur enthousiasme et de leur envie de réattaquer la scène ensemble.
Prudemment, Phil Collins va cependant laisser la batterie à son fils Nicholas (18 ans), qui avait déjà accompagné aux fûts son papa lors de tournées solo récentes. Membre co-fondateur et chanteur-leader du groupe jusqu'en 1975, Peter Gabriel ne sera pas de la fête. Il est vrai que l'orientation musicale de Genesis changea radicalement après le départ de Gabriel, quittant les rives du rock progressif pour naviguer en eaux pop-rock davantage accessibles au grand public. Phil Collins avait alors, en plus des baguettes, assumé le chant et emmené Genesis vers une explosion de hits qui bercèrent les radios FM de l'aube des années quatre-vingt au milieu des années quatre-vingt-dix – tout en suivant lui-même une prolifique carrière solo. Propulsé par des mélodies ultra-efficaces, par un son calibré mêlant rock et synthétiseurs et enfin par la voix cassée, puissante et décontractée de l'ultra-charismatique Collins, Genesis se réinventa en groupe assumant sa dimension commerciale de qualité. « Abacab », « Mama », « Land of Confusion », « I Can't Dance », « Jesus He Loves Me »… la liste de leurs tubes donne le vertige.
Après l'exode de Peter Gabriel, Genesis allait plus que jamais régner aux côtés d'autres dieux des stades comme U2, Simple Minds, Queen ou les Rolling Stones, autres vaillantes cartes vermeilles du rock refusant de lâcher le micro. À ce jour, le groupe a vendu, selon les estimations, entre 100 et 150 millions d'albums dans le monde – leur dernier disque, Calling All Stations, est sorti en 1997. Personnalité particulièrement attachante, Phil Collins ne pouvait que nous réjouir avec l'annonce du grand retour de la formation qui, on l'espère, lui rendra un peu plus de punch que lors de ses derniers concerts solo – en 2017, sur la scène de Bercy, l'artiste avait passé la plupart de sa prestation à chanter assis. En attendant ce come-back, prions pour un petit crochet dans l'Hexagone et, d'ici là, replongeons dans la bible des plus gros tubes d'un Genesis qui ne s'est visiblement toujours pas décidé à rédiger son testament final.
« ABACAB » (1981)
Premier single extrait de l'album du même nom, il atteindra la 9e place des charts britanniques et la 26e place du Billboard américain. Orientation rock très nette de la section rythmique, avec une batterie chouchoutée au mixage, filant allegro, accompagnée d'un discret (mais bien présent) riffs de guitare électrique. Les synthés virtuoses virevoltent avec les chœurs et la voix de Collins au moment du refrain : c'est du solide. Le titre de la chanson serait un simple néologisme composé des lettres A, B, C désignant différentes structures du morceau. Sincère ou pas, Phil Collins a toujours affirmé que lui-même n'avait la moindre idée du sens des paroles. Quel farceur ! Si un expert veut cependant bien nous éclairer...
« MAMA » (1983)
Carton plein davantage en Europe qu'aux États-Unis pour ce premier single extrait de Genesis, sixième album studio du groupe sorti après le départ de Peter Gabriel en 1975. Porté par le rythme d'une batterie synthétique (sacrilège ! hurlent les puristes) et, à mi-chemin, un rire sardonique poussé par Collins, ce tube instantané à l'atmosphère délétère et sensuelle va s'inviter de plain-pied dans la pop culture du milieu des années 80, via notamment un épisode mémorable de la saison 7 de la série Magnum. Les paroles, inspirées à Collins par un passage du livre autobiographique Décrocher la lune, de l'acteur David Niven (1973), évoquent un jeune homme obsédé (encore !) par une prostituée cubaine plus âgée que lui. Phil Collins a déclaré qu'en entendant le morceau pour la première fois, le manager du groupe a cru à une chanson sur l'avortement.
« THAT'S ALL » (1983)
Second single extrait de l'album Genesis, le morceau se distingue par un ton mélancolique guidé par un chant beaucoup plus posé de Phil Collins, à l'opposé de l'exubérance de Mama. Les États-Unis plébisciteront That's All en le propulsant à la 6e place des meilleures ventes de single, sans savoir que, derrière son apparente simplicité et sa naissance quasi improvisée (comme souvent chez Genesis), le morceau cache un monstrueux travail de collage entre divers sons synthétisés. Avec son ambiance Beatles un jour de spleen, That's All convient parfaitement à un dimanche pluvieux à la maison, un mug de verveine nonchalamment siroté en scrutant le ciel plombé. Normal : Collins y chante la fin d'une relation et la triste impression d'un éternel recommencement – « C'est toujours pareil, c'est juste dommage. C'est tout ». Bizarrement, le clip met en scène les trois membres du groupe grimés en SDF réunis autour d'un feu de fortune dans un immeuble désaffecté. Un curieux choix libre à interprétations mais, selon Tony Banks, le but était bien d'évoquer un sentiment misérable typique d'une rupture sentimentale.
« LAND OF CONFUSION » (1986)
Sans doute le clip le plus pop culturesque de Genesis et un marqueur indélébile des années 80, ce troisième morceau (et troisième extrait) de l'album Invisible Touch en est assurément l'un des sommets artistiques et commerciaux. Il se glissera à la 4e place du Billboard américain et la 14e place des charts britanniques, largement aidé par une diffusion massive sur MTV. Margaret Thatcher, Ronald et Nancy Reagan, Spock, l'ayatollah Khomeini, Mikhail Gorbatchev, Michael Jackson, Madonna, Mick Jagger, Bill Cosby… et quelques autres personnalités du monde géopolitique et du showbiz se croisent dans ces 5'28 complètement folles et jouissives. Faisant appel aux créateurs de Spitting Image, émission satirique à base de marionnettes et diffusée depuis 1984 sur la chaîne ITV, les Genesis se caricaturent eux-mêmes ainsi que leurs pairs dans cette chanson branchée sur du 220 volts et qui raille l'air du temps, dans une ambiance à la Dr Folamour de Kubrick. Le tout se termine par un plan délirant parodiant le clip « We Are the World », avec la marionnette du pape Jean Paul II déchaînée sur une guitare électrique. À la fin, le président Reagan se réveille d'un cauchemar et déclenche le feu nucléaire au saut du lit, en appuyant sur le mauvais bouton rouge. Incroyable clip ! Il fera découvrir aux Français, éberlués, les marionnettes de Spitting Image, un an avant la brève diffusion de l'émission sur M6 et deux avant la naissance sur Canal+ de son héritière tricolore, Les Guignols de l'info.
« INVISIBLE TOUCH » (1986)
Musicalement inspirée à Phil Collins par la chanson « The Glamorous Life »par la percussionniste chanteuse Sheila E., « Invisible Touch »s'aventure en terrain glissant, surtout pour notre époque : un homme intoxiqué par son amour pour une femme qui le manipule à sa guise. Collins a déclaré qu'il s'agissait d'un de ses morceaux préférés du groupe – attendez-vous donc à l'entendre sur scène à l'automne prochain. Très (trop ?) synthétique, « Invisible Touch » marque heureusement des points par le chant toujours enivrant de Collins, qui se livre par ailleurs, dans le clip, à un festival de grimaces dont il a le secret. La signature d'un artiste qui a cœur à montrer qu'il ne se prend jamais trop au sérieux.
« JESUS HE KNOWS ME » (1991)
Quatrième single de l'album We Can't Dance, ce gros tube de l'année 1992 est assurément l'un des plus remuants et revigorants de Genesis. Fidèle à sa verve satirique, Collins se moque cette fois des télévangélistes, alors plus que jamais populaires aux États-Unis : le clip le montre grimé comme tel, entouré de ses deux camarades eux-mêmes déguisés en croyants. En France, cette chanson au refrain magnifiquement rythmé et à la mélodie tranchant net avec le ton mineur des couplets a connu un regain de patate au Top 50, en 1996, grâce à sa présence dans la B.O du Huitième Jour, gros succès en salle du réalisateur belge Jaco Van Dormael. Sur les dance floor, le titre avait de nouveau la frite. Au Festival de Cannes, le film décrocha par ailleurs le prix d'interprétation ex aequo pour Daniel Auteuil et Pascal Duquenne. Encore à ce jour, « Jesus He Knows Me » reste l'un des titres les plus connus et identifiables de Genesis. Un must.
« I CAN'T DANCE » (1991)
Second extrait de l'album We Can't Dance. Pas le plus enthousiasmant deshits du groupe, cette chanson qui, aux dires de Collins, n'a rien à voir avec l'histoire d'un homme qui ne sait pas danser, s'est tout de même hissée à la 7e place des classements américain et britannique. Le trio en fut le premier surpris, persuadé du caractère mineur de ce morceau un brin blues-rock mais encore très synthétique, même si le riff de guitare va renifler du côté du « Should I Stay or Should I Go » des Clash. Dans le clip, Collins, Banks et Rutherford font les pitres et les paroles tournent en dérision les mannequins hommes des pubs pour jeans. Mais il paraît que c'est davantage une toile de fond !
« NO SON OF MINE » (1991)
Premier extrait de We Can't Dance. Un morceau très sombre, autant dans sa mélodie que ses paroles, récit de la fugue d'un garçon fuyant la violence de son père.
Source : LePoint.fr (https://www.lepoint.fr/pop-culture/genesis-de-retour-sur-scene-neuf-tubes-decryptes-05-03-2020-2365949_2920.php)