Canal+ muscle myCanal pour en faire une plateforme vidéo mondiale

Publié le 04/11/2020

« Nous ne sommes pas dans une logique de compétition avec Netflix ou Disney+ », indique Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+.

Complètement restructuré par son actionnaire Vivendi et Vincent Bolloré, et relancé depuis cinq ans, le groupe Canal+ gonfle ses muscles dans les services vidéo. Ce secteur est devenu crucial pour l'avenir et la pérennité des groupes audiovisuels face aux mastodontes américains comme Netflix. La direction de la société française a dévoilé ce mercredi une refonte complète et un enrichissement des contenus de sa plateforme myCanal, disponible via Internet sur les écrans tels que les smartphones ou les iPad. Celle-ci est devenue essentielle pour la conquête d'abonnés, notamment en France, où Canal+ affiche 8,4 millions d'abonnés, avec un parc de clients en croissance pour la première fois depuis longtemps après des mois de fuite des abonnés.

MyCanal représente 40 % des abonnements aux offres de Canal+, qui vient de dévoiler un nouveau logo (voir image ci-dessous). « Par son ancrage local et sa singularité, c'est un actif stratégique majeur. Nous ne sommes pas basés à Cupertino (Apple) ou à Los Gatos (Netflix), mais en France », souligne Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+. La plateforme, qui dispose de 50 000 contenus, revendique 15 millions de visiteurs uniques par mois dans le pays, chaque abonné revenant en moyenne tous les deux jours. Elle s'est lancée cet été en Pologne et sera disponible début 2021 dans une vingtaine de pays d'Afrique, puis en Asie et dans le reste de l'Europe. Canal+ a notamment promis la disponibilité de myCanal sur 13 millions de nouveaux appareils connectés à l'écran de télévision d'ici début 2021, comme les consoles Xbox, PS5, PS4, les télés connectées LG et les décodeurs Canal+ dernière génération.

« Nous avons vocation à accueillir toutes les plateformes, comme Amazon Prime »

Parmi les nouveautés, des programmes, des podcasts, une nouvelle émission Clique X présentée par Mouloud Achour – la première, disponible le 6 novembre en exclusivité sur la plateforme, se fera en compagnie de la chanteuse Aya Nakamura –, une chaîne digitale « Le Splendid », lancée avec tous les films des acteurs de la bande des films Les Bronzés, et des sélections de films, séries et documentaires proposés par des comédiens prescripteurs, appelés « talents » par Canal+, comme Blanche Gardin. Les chaînes spéciales Formule 1, rugby et football sont pérennisées, avec des innovations interactives, comme la possibilité de revenir en arrière dans un direct et d'obtenir en temps réel les statistiques de tous les joueurs d'un match de football. Une vingtaine de personnes s'occupent désormais de l'éditorialisation de la plateforme.

Lancée il y a 8 ans, myCanal n'est pas une plateforme classique comme Netflix et Disney+ : elle n'agrège pas que les contenus produits par Canal+ et propose aussi l'accès à Netflix, Disney+ ou OCS (Orange Cinéma Séries) moyennant un abonnement. « La puissance de myCanal est liée à l'agrégation de plusieurs applications de services de vidéo à la demande (SVoD), des services replay et 200 chaînes de télévision en live, ce qui diffère des plateformes américaines », détaille Maxime Saada. Le président du directoire du groupe Canal+ insiste : « Nous ne sommes pas dans une logique de course et de compétition avec Netflix ou Disney+, qui sont nos partenaires. Nous avons vocation à accueillir toutes les plateformes, comme Amazon Prime. » La direction de la société a précisé que Canal+ vend aujourd'hui plus de 3 millions d'abonnements à Disney+, qu'il distribue en exclusivité en France, et fournit plus de 2 millions d'abonnés à OCS, sur un total de plus de 3 millions.

La question épineuse de la durée des droits des séries

Interrogé sur la faiblesse de ses budgets programmes face à Netflix, qui dépense 17 milliards cette année, Canal+ fait valoir qu'il investit 3,5 milliards d'euros par an dans les contenus, produit une trentaine de films avec Studio Canal et de trente à quarante séries. » La société a, par exemple, été l'une des premières non-américaines a signé un accord de coproduction avec Apple, pour la série Calls. Mais, contrairement aux plateformes telles que Netflix, qui produit et détient les droits d'une série pour le monde entier et pour de nombreuses années, les groupes audiovisuels traditionnels (TF1, M6, Canal+, etc.) n'ont pas ce privilège.

Dans un entretien en juin au Point, Maxime Saada résumait en ces termes le problème : « Il y a le sujet des droits qui expirent et celui de leur exploitation à l'international. Nous avons cherché en vain à trouver un accord avec les syndicats de producteurs français. Canal peut financer une série, mais ne peut pas en détenir les droits. Nous souhaitons avoir, comme Netflix, la possibilité d'exploiter l'intégralité des saisons d'une série. En outre, quand Canal+ finance une série à 100 %, il voudrait avoir la capacité de l'exploiter sur l'ensemble des territoires où il est présent, comme les plateformes le font. Versailles, série financée par Canal+, devient aux États-Unis un contenu « Netflix Originals ». Est-ce normal ? »

La transposition imminente de la directive européenne SMA (services de médias audiovisuels) doit modifier la donne en France. Un projet de décret du ministère de la Culture, ouvert à une consultation jusqu'au 10 novembre, prévoit d'obliger les plateformes de SVoD à avoir des droits réduits sur les productions françaises et de financer des séries et films français ou européens à hauteur de 20 % à 25 % de leur chiffre d'affaires en France. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a aussi fait un pas vers les acteurs de la télévision traditionnelle, qui souhaitent de nombreux assouplissements réglementaires. Elle a appelé à ouvrir des discussions pour réviser leurs obligations vis-à-vis des producteurs de cinéma et de télé. « S'il n'y a pas d'accord, l'État prendra ses responsabilités. Nous sommes soucieux d'un traitement équitable entre plateformes et chaînes de télévision traditionnelles », a indiqué au quotidien Les Échos la ministre.

Source : Le Point