CES 2021 : quelles innovations destinées aux entreprises ?

Publié le 14/01/2021

Avec moins de fracas que d'habitude, un CES 100 % virtuel a ouvert ses portes lundi 11 janvier 2021. Ce salon de toutes les technologies grand public fourmille également de produits qui peuvent intéresser les entreprises. Quels sont-ils ?

Avec presque 2000 exposants, le CES 2021 fait pâle figure, pandémie oblige, à côté des 4500 exposants du CES 2020 (pour 170 000 participants). La majorité paye 1200 $ pour avoir le droit d'exposer ses produits et services ; d'autres vont jusqu'à dépenser 85 000 $ pour pouvoir disposer de leurs propres microsites ou conférences en ligne. Pour que cette nouvelle édition entièrement en ligne puisse voir le jour, la Consumer Technology Association, le syndicat professionnel qui organise le CES, s'est associée à Microsoft et sa solution cloud Azure, Microsoft Teams et Microsoft Power Platform. Résultat : une plateforme critiquée pour son manque de clarté en termes de marketing et un déséquilibre entre mise en valeur des grandes entreprises et faible visibilité des petits acteurs. Mais, d'un autre côté, un événement visible depuis les quatre coins du monde, une empreinte carbone allégée, une accessibilité accrue pour les start-up à faible budget, et un peu de répit pour les habitants de Las Vegas (ainsi qu'un manque à gagner de l'ordre de 290 millions de dollars pour la ville, selon la Las Vegas Convention and Visitors Authority). En tout cas, un CES assez attrayant pour que Business France y envoie (virtuellement) plus de 120 start-up, contre 160 l'année dernière.

Le CES reste une bonne opportunité pour les acteurs de secteurs comme l'IoT de dévoiler leurs nouveaux produits. Mais le salon, en quête de diversification pour multiplier ses sources de revenus, s'ouvre chaque année davantage au BtoB. Des entreprises comme John Deere, géant américain de la fabrication de matériel agricole, viennent par exemple s'y muer en acteur de l'Agtech pour exposer tracteurs autonomes, drones pulvérisateurs ou moissonneuses dotées d'une intelligence artificielle. Ou encore l'entreprise pharmaceutique américaine Abbott, qui, l'année dernière, y a dévoilé différents produits à destination du secteur de la santé.

Le CES, un salon généraliste qui couvre aussi une partie de l'entreprise

Pour le consultant indépendant Olivier Ezratty, la direction prise par l'événement, si elle ne remplace pas le rendez-vous BtoB CeBIT (dont la dernière édition s'est tenue en 2018), traduit avant tout la transversalité du numérique : le CES "devient un salon généraliste de la technologie qui couvre à la fois le grand public et une partie de l'entreprise", indique-t-il aux Numériques. Pour lui, l'édition 2021 du salon "a une tonalité entreprise sur plusieurs axes" : par exemple, "beaucoup de constructeurs présentent des laptops vraiment adaptés à la situation sanitaire, que ce soit Dell, HP, les chromebooks, Samsung, ou LG avec ses Gram". Ainsi, un grand nombre de PC portables présentés cette année disposent de "configurations plus musclées, avec la dernière génération des processeurs AMD ou Intel, puis il y a des webcams en théorie de meilleure qualité, qui contiennent désormais un cache par défaut", souligne ce grand spécialiste français du CES.

Si ce dernier ne s'attend pas à ce que le CES perde sa dimension "consumer", Florent Roulier, digital business manager au sein de la société de conseil Niji, spécialiste de la transformation numérique des entreprises, estime que "dans la continuité des autres années, c'est un salon qui se tourne de plus en plus vers le BtoB". Il observe que "depuis 2019 et surtout 2020, de nouvelles catégories sont dédiées" à ce créneau, en marge des catégories plus classiques comme les télévisions, enceintes, casques audio ou appareils photo. Parmi ces nouvelles catégories, l'Agtech donc, mais aussi un grand nombre de robots à destination de l'industrie, comme Omron, qui propose des robots destinés aux chaînes de fabrication. Cette année, il faudra toutefois assister aux démonstrations de ces grands robots dédiés à l'industrie à travers son écran. "Des catégories se sont aussi ouvertes sur la mobilité, la logistique... toujours en BtoB", continue Florent Roulier. Ces dernières années, il cite également les robots permettant de déplacer des charges ou des colis importants dans les usines, ou des engins faits pour déplacer les individus dans une enceinte de bureau. "Il y a beaucoup plus d'ouverture, de nouvelles thématiques et de nouveaux secteurs ouverts par rapport aux origines du salon", ajoute-t-il.

Une offre BtoB pour différents secteurs

Des entreprises de différents secteurs profitent de cette ouverture au BtoB. Plusieurs ont remporté un "Innovation Award".
Les solutions de visioconférence

Imverse, une entreprise américano-suisse qui développe une solution de vidéo volumétrique, soit la capacité à capter des personnes à l'aide de plusieurs caméras et d'en créer des modèles 3D. Imverse se positionne notamment sur l'entreprise avec un développement focalisé sur la téléconférence et la collaboration à distance.
Owl Labs, une start-up américaine spécialiste des solutions de visioconférence qui propose trois produits au CES 2021. D'abord, le Meeting HQ, une solution de réunion tout-en-un dotée d'une caméra à 360°. Ensuite, l'Owl Connect, sa technologie logicielle destinée à sa caméra de visioconférence Meeting Owl Pro. Enfin, le Whiteboard Enhance, une solution pour salles de classe et entreprises destinée à faciliter l'utilisation de tableaux (physiques) lors de visioconférences.

La santé

Airthings, une entreprise basée à Oslo qui propose un appareil capable de surveiller l'humidité dans l'air ambiant et de prévenir l'utilisateur en cas de taux trop élevés. Un objet qui peut être utilisé par les particuliers comme les entreprises. Airthings propose aussi un appareil permettant aux entreprises de calculer le niveau de risque de transmission d'un virus dans ses bureaux.
Hills Engineering, entreprise américaine, et son Coro-Bot, un robot équipé de logiciels anti-collision et de conduite autonome, et capable de désinfecter différents environnements, comme les bureaux, à l'aide de bras flexibles.

L'énergie

Ambient Photonics, une entreprise californienne qui propose aux fabricants d'appareils IoT et d'objets connectés une solution leur permettant d'alimenter en énergie certains appareils grâce à l'éclairage intérieur.
Dracula Technologies, une start-up deeptech française qui développe une technologie photovoltaïque organique. L'entreprise ambitionne d'alimenter la prochaine génération d'objets connectés avec une source d'énergie optimisée, notamment en termes de durée de vie des batteries et des appareils.

Le transport de marchandises

Kodiak Robotics, une start-up californienne qui développe des poids lourds autonomes et long-courrier à destination de l'industrie du transport de marchandises. Elle s'estime bien ancrée dans une industrie du camionnage à 800 milliards de dollars.

On peut aussi noter le lancement par Dell de moniteurs à écran large faits pour Teams, l'application de communication collaborative de Microsoft. Le spécialiste français des outils collaboratifs Klaxoon lance, pour sa sixième participation au CES, son Smart Work : Board, un espace de travail qui permet de collaborer visuellement, seul ou en simultané, sur site ou à distance. Puis LG, déjà bien présent sur le volet consommateur, présente un robot qui désinfecte les lieux publics et les bureaux via la stérilisation par rayonnement ultraviolet.

"Beaucoup d'entreprises présentent aussi des solutions de cybersécurité au goût du jour. Qui dit télétravail, dit VPN, sécurisation", note aussi Olivier Ezratty. Parmi elles, Microsystems et sa Electronic Liquid Screen, ou U-blox et ses modules SARA-R5 LTE-M.

La sérendipité, grand absent du CES 2021

Des start-up françaises épaulées par la French Tech

D'autres entreprises françaises présentent au CES 2021 des solutions et produits susceptibles d'intéresser les entreprises. Certaines ont été accompagnées par la French Tech Bordeaux. Comme les participants du monde entier, elles se focalisent sur différents secteurs.
L'industrie

Go4iot, une solution professionnelle dédiée à la protection des gros équipements (engins, véhicules, machines), avec des applications notamment dans les marchés du BTP et de l'agriculture.
MediaMap, une entreprise qui numérise les inspections visuelles d’infrastructures pour les entreprises et les collectivités.

L'expérience client

Wiidii, une entreprise qui développe des assistants personnels. Associés à des humains, ceux-ci visent à faciliter la finalisation de demandes ou la certification des réponses.

La réalité augmentée et la visualisation 3D

Lux Lingua, une plateforme qui permet aux marques de vins et spiritueux de créer elles-mêmes des expériences en réalité augmentée.
Meshroom, qui propose un logiciel de visualisation 3D appelé Weviz, conçu pour les revues 3D collaboratives.

La robotique

Pollen Robotics, entreprise de robotique spécialisée dans l’interaction et la manipulation d’objets.

Pour la French Tech Bordeaux et la Région Nouvelle-Acquitaine, qui ont accompagné 13 start-up au salon cette année, tout l'enjeu de cette édition 2021 réside dans le marketing et la communication en amont, pendant et en aval de l'événement. "Sur un salon dématérialisé, il faut mettre en action tous les leviers possibles et imaginables pour générer du trafic, non plus physique, mais virtuel, sur leur stand virtuel pour rencontrer des participants intéressés par leurs produits et services", indique aux Numériques Philippe Métayer, directeur général de la French Tech Bordeaux. Pour lui, le CES 2021 fait aussi figure de test pour la visibilité de l'innovation française cette année. "Ce ne sont pas des expériences évidentes, car on ne peut pas déambuler dans les salons de la même façon. Je ne suis pas sûr qu'il y ait autant de découvertes impromptues dans un salon virtuel. Il y a de l'inconnu pour tout le monde. Il y a déjà eu des expériences en virtuel pendant le Covid, mais pas de cette échelle", ajoute-t-il.

L'aspect impromptu, justement, semble être le grand absent de cette édition 100 % virtuelle. "Il y aura moins de sérendipité : [au CES], on a tendance à trouver une société très intéressante alors qu'on ne l'avait pas prévu. C'est plus dur à faire avec le numérique, même si la plateforme faite par Microsoft pour le CES cherche à le reproduire, avec notamment des fonctions comme le shuffle. Mais avec 2000 exposants, ça risque d'être un peu monotone", nuance Florent Roulier. Pour lui, cette édition en ligne va immanquablement entraver les entreprises. "Les participants ne vont pas forcément dédier des ressources pour le salon comme ils le faisaient les années passées. Donc il y aura peut-être moins de business, moins de réseautage, alors que c'est le propre d'un salon professionnel", continue-t-il.

Florent Roulier estime toutefois qu'"observer ce qu'il se passe au CES peut être très stratégique pour les entreprises, soit pour en tirer de bonnes pratiques en termes de tradeshow virtuels et se l'appliquer, soit pour décider de participer ou non à ce type d'événement en ligne", et éventuellement placer ses investissements autre part. "En tout cas, pour l'instant, il y a un manque à gagner pour toutes les industries : elles perdent complètement ce levier de développement d'activité qu'est le salon professionnel", déplore-t-il.

Du côté de la Région Nouvelle-Aquitaine, qui a organisé mardi un événement physique à l’Hôtel de Région (dans le respect des gestes barrières), Philippe Métayer se montre plus optimiste : "si suffisamment d'investisseurs et de distributeurs se connectent à cette plateforme et sont très proactifs, ça peut être très positif, et peut-être même plus positif qu'en physique".

Patrick Randall

Source : www.lesnumeriques.com