Métavers : « J’ai participé à la première réunion virtuelle des Narcotiques Anonymes »

Publié le 21/02/2022

REALITE VIRTUELLE « 20 Minutes » a pu assister à la première réunion des Narcotiques Anonymes organisée dans le métavers

Les mondes parallèles du métavers tissent leur toile et devraient fortement se développer dans les années qui viennent.
L’association Les Narcotiques Anonymes vient d’y organiser une première réunion virtuelle à laquelle une dizaine de ses membres ont pu participer à l’aide d’un casque VR.
Le procédé, qui ne semble pas perturbant techniquement, pourrait vite être développé.

Dans le métavers, les bureaux lumineux qui m’accueillent ressemblent à ceux d’un immeuble moderne d’une grande ville. Le rendez-vous était fixé à 19 heures, j’arrive quelques minutes avant. Facile, je n’ai eu qu’à appuyer sur un bouton pour être accueilli par l’un des organisateurs de la réunion qui m’invite à monter. A l’étage, autour d’une large table ronde, une dizaine de personnes sont rassemblées. Avec Raphaël qui animera les discussions se trouvent Fred, Lola, Elise…

Personne ne remarque ma présence. Pourtant, mon avatar est visible de tous. A l’aide de l’une de mes deux manettes Touch, j’ai coupé mon micro sur le menu interactif face à moi. Equipé comme toutes les personnes présentes d’un casque de réalité virtuelle Oculus Quest 2 sur la tête qu’il m’a suffi d’allumer, je suis prêt à assister à la première réunion des Narcotiques Anonymes* (NA) dans le métavers. En vrai, je me trouve debout, dans mon bureau, en banlieue parisienne.

Des émoticones au-dessus des participants

« Bonjour, j’ai un parcours classique de quelqu’un qui se défonce. Je n’avais plus de vie sociale, ni professionnelle, pas de vie amoureuse, ni affective et encore moins familiale. J’ai testé plusieurs méthodes, mais je me suis laissé porter par les NA. Par l’entraide, ce truc bienveillant. Jamais je n’aurais imaginé avoir la vie d’aujourd’hui. Le sens qui y manquait, je l’ai trouvé ici. » Alors qu’Elise achève sa présentation, des petits émoticones « Cœur » et « Bravo » fusent au-dessus de certains participants. Qui prennent la parole tour à tour.

« C’est hyperagréable de se sentir comme dans une vraie réunion », lâche l’un d’entre eux, entre deux allusions à son parcours. « Quand je suis venue ici pour la première fois, je m’attendais à rencontrer des cadavres blancs et puants, or je n’y côtoie que des belles personnes. J’y ai trouvé ma place et il n’y a pas une réunion où l’on ne rigole pas », enchérit une jeune femme, débout, sur le côté droit de la table. La séance bat son plein.
Au-delà des murs virtuels

Toujours en retrait, je peux me déplacer dans la pièce à loisir. D’abord, en marchant réellement dans la zone préalablement définie dans mes réglages. Celle-ci correspond au véritable espace physique disponible dans la pièce – la vraie – où je me trouve avec mon casque de réalité virtuelle, chez moi. Soit une zone d’environ deux mètres par deux. Mais à l’aide du joystick de la manette que je tiens dans ma main gauche, je peux me déplacer à mon gré dans l’espace visuel où se tiens la réunion des NA.
Comme si l’on était présent

« J’adore cette réunion, j’ai la sensation d’y être. Je vous connais, je connais vos voix », s’enthousiasme Lana dont l’avatar révèle qu’elle est une femme de couleur, qui a soigné sa tenue pour notre rendez-vous. Nos regards se croisent et je lui adresse naturellement un salut discret, simplement en baissant la tête. « Cette identification, ce lien, c’est ce qu’il y a de plus important aujourd’hui pour moi », ajoute Lana.

Notre réunion dans le métavers touche a sa fin. Préalablement, les membres des NA présents effectuent la lecture du « Juste », un rituel rappelant quelques fondamentaux : « Juste pour aujourd’hui, mes pensées se concentrent sur mon rétablissement. […] Juste grâce à NA, je vais envisager ma vie sous un jour meilleur… » La « prière de la sérénité » et un temps de silence viennent clore la réunion.
Une expérience plus forte qu’avec Zoom

A l’étage en dessous, c’est le moment des échanges. « Pendant la pandémie, nos réunions se sont digitalisées avec Zoom. L’expérience de ce soir permet une présence plus forte que de se retrouver devant un écran », se félicite l’un des participants. « Avec Zoom, on est spectateur. Là, on participe vraiment. Et avec le casque et les manettes, on ne peut pas être absorbé par autre chose », renchérit la jeune femme en rouge sur ma gauche. « Oui, l’engagement est plein et entier. Les lunettes sur les yeux permettent une concentration plus forte », enchaîne un participant.

Dans le métavers, pas besoin de lever la main pour prendre la parole. La discussion est naturelle, comme dans la vraie vie. Le micro et les écouteurs de notre casque se sont fait immédiatement oublier. On entend et l’on se parle normalement.

« Tout ça donne une impression un peu bizarre, mais une fois que l’on met de côté l’aspect techno, on ressent les partages », confie un jeune homme à l’autre bout de cela pièce. « Moi, honnêtement, j’ai eu l’impression d’être dans une réunion classique », entend-on également. « Personnellement, j’ai quand même besoin de me déplacer, sinon je peux facilement avoir envie de rentrer dans ma caverne », tempère une membre des NA…
Libérer la parole

J’interroge à la cantonade les participants sur la capacité du métavers à éventuellement libérer leur parole. « Cette première opération a été extrêmement bien accueillie. Avec le virtuel, on peut respecter l’anonymat qui peut être un frein dans une véritable réunion. Cela peut sans doute aider des nouveaux venus qui n’oseraient pas se confier tout de suite », explique Raphaël, qui animait la réunion. « Oui, mais on imagine mal un toxico dépenser de l’argent pour s’équiper d’un casque comme celui-ci. On peut espérer que ce type d’équipement deviendra de plus en plus abordable », ajoute son voisin. « Cela peut faire venir des gamers qui seraient déjà équipés », suggère-t-on plus loin.

Organisée avec le soutien technique de la VR-Académie (agence spécialisée des réalités immersives), cette réunion dans le métavers des Narcotique Anonymes sera-t-elle suivie d’autres ? « C’est une première expérience. Elle est probante, efficace. Cela va devenir un sujet », indique Raphaël.

« Moi, j’ai été heureuse de pouvoir communiquer avec un journaliste dans ces conditions, conclut une participante en se tournant vers moi. Lorsque l’on rencontre vos collègues de la télé, on se retrouve ensuite avec le visage flouté, comme si on était des terroristes. »

*Existant en France depuis 1983, les Narcotiques anonymes organisent 250 réunions hebdomadaires, dont 50 % à Paris.

Source :
Envoyé spécial dans le métavers, Christophe Séfrin
Publié le 18/02/22 à 14h47 — Mis à jour le 18/02/22 à 19h29
https://www.20minutes.fr/high-tech/3238075-20220218-metavers-participe-premiere-reunion-virtuelle-narcotiques-anonymes