Industrie : la France furieuse contre Washington

Publié le 08/11/2022

Bruno Le Maire, le ministre français de l'économie, demande aux pays européens de la "fermeté" face aux Etats-Unis, qui ont, défend-il, une attitude déloyale en aidant massivement leurs industries.

La période n’est décidément plus à l’harmonie et la bienveillance dans le commerce international – on le dit en souriant parce que cela n’a jamais été totalement le cas. L’Europe est en guerre économique et militaire (par délégation) avec la Russie, l’Europe s’interroge sur ses relations avec la Chine, eh bien l’Europe est également mécontente de l’attitude américaine à son égard.
De quoi parle-t-on ?

Joe Biden, face à l’inflation, a fait voter un gigantesque plan de soutien à l’économie, qui prévoit des subventions considérables aux entreprises qui s’installent aux Etats-Unis. Il a également (on en a déjà parlé ici) décidé de réserver les bonus à l’achat d’une voiture électrique à celles équipées d’une batterie made in USA. Et par ailleurs, les prix de l’énergie sont bien plus bas Outre-Atlantique. Dans une longue interview à quatre médias européens, le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, s’élève contre toutes ces concurrences qu'il juge déloyales et il exige de l’Europe une réponse, dit-il, « ferme » et coordonnée.

Pourquoi ?

Parce que des investissements qui devaient se faire en Europe ne se feront pas. Bercy calcule que la France pourrait perdre 10.000 emplois industriels et 10 milliards d’investissements. Si on ajoute les tensions avec la Chine, l’Europe, avertit Le Maire, risque dans les années à venir un vrai « décrochage industriel ». Si on veut mettre un sous-titre à cette prise de position, c’est celui-ci, envoyé tout droit à Joe Biden : vous, Etats-Unis, vous êtes en conflit ouvert avec Pékin pour le leadership mondial ; si vous nous voulez de votre côté, il va vraiment falloir jouer un peu plus collectif.

Et c’est justifié ?

Ce qui saute aux yeux, c’est que l’Europe découvre que les Etats-Unis (comme la Chine) défendent leurs intérêts et que le « tout le monde il est beau il est gentil », c’est un concept très européen. Bien sûr, Washington défend des fortunes en aidant militairement l’Ukraine, mais si on regarde les choses d’un peu plus loin, on voit que les Etats-Unis bénéficient actuellement dans la compétition économique mondiale d’un triple avantage : une énergie moins chère, des règles moins contraignantes et ambitieuses (sur le climat, sur les normes comptables) et une politique budgétaire beaucoup plus souple (c’est un seul pays, pas 19, et le dollar est le patron de monnaies).

Au total, deux questions doivent être posées. Un, Berlin est-il sur la même ligne que Paris dans cette nouvelle bagarre qui s'ouvre ? Pas sûr. Deux, l’Europe va-t-elle trouver son chemin entre une mondialisation américaine et une mondialisation chinoise ? C’est l’enjeu des années à venir.

Source : Radio France